FONCTIONNEMENT DE LA MONNAIE (2)
Après ces notions pragmatiques, je souhaite poser ici, ce texte sur la monnaie, qui ‘’lui’’ est teinté ; en plus, de l’étude et analyses du fonctionnement monétaire, de quelques concepts philosophiques, historiques et sociologiques permettant peut-être une possible visualisation concernant l’éthique et la justice quant à l’utilisation de la monnaie, la moins déstabilisatrice possible. Ce qui est une difficulté supplémentaire, non pas par la fonction vectorielle de la monnaie elle-même, mais uniquement par son utilisation intrinsèque dans l’immoralité et par le manque de déontologie géo-politico-social-économique dans le marché de bien(s) et service(s)… A réseaux humanisés… ???
L'ORIGINE DE LA MONNAIE (I) : Par André ORLEAN. 4ème trimestre 1991.
Des compléments textuels ont été ajoutés, à l’article originel. «Toutes monnaies sont temporelles et tangiblement mortelles».
Introduction
1 : Réalités collectives et stratégies individualistes.
La majorité des économistes contemporains s'accordent pour penser le fondement de la monnaie dans l'acceptation généralisée dont elle jouit en tant que moyen d'échange au sein d'une même collectivité. Pour les modernes, cette acceptation fondatrice ne doit pas être comprise, à l'instar de la tradition métalliste qui a si longtemps dominé l'économie politique, comme le résultat d'une valeur intrinsèque possédée par la monnaie. Ainsi quand Franck Hahn (Economiste ayant critiqué le manque de fondements de l’ultra-libéralisme Thatchérien) cherche à cerner les conditions d'une théorie monétaire véritable, sa première phrase est-elle : ‘’Ce qui m'intéresse est une économie où la monnaie n'a pas de valeur intrinsèque et est universellement acceptée dans les échanges‘’…
2 : De ce point de vue, la référence à l'or est appréhendée comme un obstacle à une compréhension véritable du fait monétaire. Par conséquent il ne peut être le seul outil de mesure de la totalité économique et de plus lorsque le pressentiment de sa ‘’rareté’’ augmente, ou sa disponibilité baisse, alors sa valeur relative monte. Comme tout autre objet soumis à essentialité ou à l’extravagance symbolique. Paul A. Samuelson n'hésite pas à écrire dans son célébrissime manuel : ‘’L'étudiant contemporain ne devrait pas être trompé, comme le furent les générations antérieures, par la croyance mystique selon laquelle la garantie-or est ce qui donne à la monnaie sa valeur. Assurément, l'or, en tant que tel, compte pour peu de choses dans ce problème’’.
3 : Ainsi la monnaie dont est préoccupée la théorie moderne est ce que les Anglo-Saxons appellent la ‘’fiat money’’ (monnaie dont la valeur est indépendante de la matière dont elle est faite). Deux caractéristiques la définissent : l'inconvertibilité et l'absence d'utilité intrinsèque. Pour simple et claire qu'elle soit, cette définition n'en débouche pas moins sur une difficulté majeure : si la monnaie ne possède aucune utilité intrinsèque, pourquoi les agents l'acceptent-ils ? S'ils ne l'acceptent qu'en fonction de l'acceptation des autres, où trouvent-ils la certitude de cette acceptation généralisée ? Ou, pour le dire autrement, quelle est la nature de l'obligation, des droits et des devoirs qui contraint les autres échangistes à céder leurs marchandises contre ce signe sans valeur intrinsèque ? C'est là la question essentielle pour qui s'intéresse à l'origine de la monnaie moderne, ou fiat monnaie. Dans la mesure où elle s'identifie à un droit indifférencié sur l'ensemble des marchandises détenues par tous les échangistes, la monnaie suppose à un accord généralisé des sociétaires et agents économiques. C'est ce que soulignent maints auteurs lorsqu'ils analysent l'acceptation monétaire comme résultant de l'action de certaines formes sociales, comme la confiance, l'habitude ou la foi, dont la spécificité réside précisément dans le fait que s'y trouve cristallisé le : « Consentement universel des hommes ». R. Barre insistait sur la notion de confiance, « inséparable de la notion de communauté de paiement ». F. Simiand ; souligne que « toute monnaie implique une croyance et une foi sociale ». F. Von Wieser met l'accent sur la notion « d’habitude » qu'on trouve à la base de « l'acceptation massive» de la monnaie.
Et si elle devient pour le pourcentage d’une population, un moyen de paiement ne permettant plus qu’une faible accession aux biens et services essentiels à cette même population, alors les ressentiments envers l’argent deviennent sujets à manque de confiance, au même titre que la capacité des flux monétaires à engendrer quelques justes et équitables accords sociaux-économico-culturels, dans le système du travail, de l’emploi et des échanges commerciaux nationaux et internationaux, où le risque sera assurément de générer des révoltes sociales, la lutte des classes et les conflits géo-politico-économiques…Etc…
4 : Dès lors que ces objets sociaux échangeables sont présents, accessibles dans leur utile nécessité et perçus en tant que bien(s) et services communautaires, l'acceptation de la monnaie ne pose plus aucun problème. Leur seule présence conduit chaque agent à accepter la monnaie. Comme tous les agents agissent de même, les croyances qui ont permis ce choix se trouvent validées ; l'acceptation généralisée qu'elle présupposait se réalise effectivement. Le sens commun voit dans ces croyances et dans les comportements qu'elles produisent une suspension des facultés critiques individuelles. L'adhésion à la règle monétaire qui s'y manifeste, que ce soit sous la forme de l'habitude, de la confiance ou de la foi, procède plus d'un assujettissement mécanique que d'un calcul raisonné. La stratégie holiste ne consiste pas à reprendre à son compte cette analyse, mais pourvoir, dans cette éclipse temporaire de la raison, à l'effet d'une puissance sociale, autonomisée par rapport aux volontés individuelles en leur imposant ses finalités propres :
« La collectivité elle-même en tant qu'entité autonome ».
En effet, aux yeux de la conception holiste, la communauté ne se résume pas à la simple agrégation statistique et inflationniste des comportements individuels ; elle est dotée d'une identité spécifique qui commande aux sujets privés. C'est par son action que s'impose la primauté des finalités collectives, parfois sans valorisation individuelle intrinsèque, en termes d’échanges monétaires. Ce type d'approche a principalement été utilisé pour rendre compte de la manière dont les sociétés traditionnelles appréhendent l'ordre collectif. Celui-ci y est conçu comme fondé en un lointain passé religieux, dans une tradition immémoriale qui échappe aux actes individuels et s'impose à eux. La société s'institue en établissant une coupure absolue entre le temps des origines et les possibilités humaines présentes. Par conséquent ce mythe soustrait ses règles de fonctionnement à la critique des hommes, et par là même à l’histoire de l’humanité, à l’anthropologie, la philosophie, l’épistémologie, la sociologie, la culture, la psychologie, la sémantique, la sémiologie, la politique et les autres concepts communautaires et sociologiques…
Elle se pose dans une situation d'altérité radicale par rapport aux personnes, les dépossédant en partie de leur être collectif pour doter celui-ci d'une identité spécifique. Assurément, la vision holiste des relations sociales peut prétendre fournir .une image satisfaisante du phénomène monétaire… Sémiotique allégorique selon laquelle, dans la monnaie, se manifeste une réalité d'essence collective, l'adhésion unanime des sociétaires, qui, au travers des croyances qu'elle impose à la conscience des agents, modifie leurs comportements et, ce faisant, garantit sa reproduction et l’habitude dans et par la circularité des échanges.
C'est cette conception qu'on trouve exprimée sous la plume d'anthropologues lorsqu'ils écrivent : « II n'y a pas de monnaie sans un ordre transcendant qui lui donne cette qualité d'être une matérialisation de la totalité sociale ». Et donc de par ce postulat et en l’état de compréhension du système sociétal actuel, il ne devrait donc, y avoir aucune possibilité d’ordre politique transcendant ; donnant à l’art des gens, cette qualité de juste analyse envers la totalité Socio-Economico-Culturelle… Même dans la ‘’zone’’ de production et d’échange de biens et services représentée par la République Française à options Démocratiques et Laïques… Le corporatisme en est l’épreuve…
5 : Au travers de cette conception de la monnaie se fait jour une représentation très polémique des sociétés marchandes modernes dans la mesure où elle heurte nombre de nos convictions les plus intimes, tout particulièrement l'idée selon laquelle « l'ordre qui préside à la vie des hommes en commun n'est plus une donnée qui leur viendrait du dehors ».
6 : L'ordre social n'est pas dans une situation d'altérité radicale puisque ce sont les hommes eux-mêmes qui l'ont engendré. Cet ensemble de valeurs qui, par opposition au holisme, « valorise l'individu, et en même temps néglige et subordonne la totalité sociale ».
7 : Pour qui : « Il n'y a plus rien d'ontologiquement réel au-dessus de l'être particulier ». Et pourtant l’épistémologie ontologique devrait édicter : ‘’Les groupes de population que nous pouvons visualiser comme un nombre communautaire strictement supérieur à deux, capables de faire évoluer un espace de vies, social économique harmonieux, sont ceux et celles qui ont la vision philosophique, humaine, sociale, culturelle, économique et financière la plus objective et la moins spoliatrice possible, accompagnée du respect permanent de la vie, de la liberté et de la propriété, afin d’en atteindre avec amour, la sagesse et l’équilibre.’’
Mais par l’image, le mensonge politique a conquis sa pleine légitimité. L’image ment ! Mais peu importe. Car ce n’est pas toujours le politique qui ment, c’est surtout l’image. Ce n’est pas l’acteur qui est pris en flagrant délit de tromperie, c’est l’image qui ment. Qui fait mentir l’image ?
Cette société veut à toute chose un coupable, mais on ne saurait dire en l’espèce qui est coupable : le cadreur, le journaliste, le monteur, le rédacteur en chef, le producteur, le décorateur, le diffuseur, le communicant, l’impresario, le réalisateur ou le législateur, le calcul démocratique ou les dévots cultuels ? On le sait d’autant moins que l’image est mensongère par ce qu’elle suggère, plus par ce qu’elle est. Le spectateur devient complice du mensonge à cause de l’évidence de l’image. Le mensonge qui progresse est de plus en plus facile et de plus en plus innocent. A cause de l’imperfection du langage, il y a toujours quelque chose de vilain, voire d’avilissant, dans .l’exhibition de la vérité toute nue. Recourir à l’image qui fait rêver, plutôt qu’à l’écrit qui fait penser, est l’ultime espièglerie de la communication politique. Le mensonge a gagné. La fausse authenticité de l’image s’est substituée à l’imperfection du langage.
Je suis agnostique depuis toujours et apolitique depuis longtemps. Agnostique, je le resterai. Apolitique, certainement aussi… Mais cela ne m’empêche en aucune façon d’être curieux et attentif à tout ce qui m’entoure, proche ou un peu plus éloigné. Existe-t-il, encore en ce pays, quelques esprits solidaires, et libre-penseurs imaginatifs… ??? La droite a écrasé petites gens, étouffé la classe moyenne, et la gauche a fait le baiser de Judas au peuple de France. ‘’Les hommes naissent égaux et libres’’, répétaient-ils sûrs d’eux. ! Pfffff… Copie à revoir… Où dans cette cacophonie généralisée, la culture des temps immémoriaux des lumières, s’est quelque peu assombrie…. De sorte qu'après tant d'épreuves de leur incompétence ils ont jugé plus à propos et plus facile de censurer que de repartir, parce qu'il leurs est bien plus aisé de trouver des fidèles à leurs veules raisons, que semer alentours théories équilibrées…
Politiques économiques de bons auspices sociologiques essayez de travailler ensemble. Certaines théories peuvent avoir quelques intéressements à être mises en débat, même si les fonctionnements actuels du système seraient à modifier pour réussir à mettre en place des solutions utiles à une véritable Economie Sociale de Marché, respectueuse de l’individu. Notamment de nouvelles idées à potentiel de covalence, avec autres mutations technologiques, sociales, économiques, d’objets taxables et de sujets imposables dans le monde de l’emploi et du travail à juste valorisation.
Par contre, pour y arriver, il vous faudrait mettre de côté quelques égocentrismes politiciens et guéguerres intestines inutiles. Cela permettrait assurément de créer une potentielle juste onde sociale-démocrate patriotique, au sein de la nation française. Son peuple en a urgemment besoin. Et surtout, cela autoriserait peut-être à évincer tous ces dinosaures de la politique, frappés au sceau des asthénies citoyennes, et autres corporatismes d’ors, de chaires, de pompes, de notables associés à quelques mauvaises consciences, menteurs, tricheurs et autres empruntés(e)... De la politique particulière, logo-médiatisée et stérile de ces quarante dernières années
8 : Le déterminant « particulier » peut être désigné par le terme d'individualisme ou parfois égocentrisme. Avec cette idéologie émerge une conception des institutions sociales qui dénie toute légitimité à ces formes archaïques de relations humaines que sont aux yeux de l’échangiste, la confiance aveugle ou l'obéissance routinière. Cette conception des relations sociales trouve dans l'économie ou la politique, et pour le moins, de larges secteurs de cette discipline, une formalisation précise et très élaborée. En effet, la tradition économique voit dans les contrats, librement négociés par les sujets rationnels, au mieux de leurs intérêts réciproques, la relation sociale de base. En tant qu'ils reposent sur une adhésion consciente intelligible des sujets.
Le contrat est la forme emblématique des valeurs individualistes entre deux ‘’entités’’ où le sujet du contrat est l’objet désigné en tant que bien ou service commercialisable. (A savoir que les trente dernières années, la profession d’avocats en droit des affaires a augmenté notablement au rapport de la ‘’complexification’’ juridique des échanges commerciaux contractuels nationaux, internationaux et intercontinentaux. Les connaissances et les savoirs juridico-commerciaux sont assurément affaires vendables, achetables et lucratives…). La question à laquelle nous nous intéresserons est de savoir si, contrairement aux thèses précédentes, le fait monétaire est réductible aux seules relations contractuelles. Ou, pour le dire sous une forme plus polémique, la monnaie est-elle pleinement contemporaine des valeurs individualistes ? On se trouve alors confronté à un problème dont la difficulté technique vient du fait qu'il s'agit de penser la présence de réalités collectives au sein d'une vision du monde totalement allergique à de telles catégories. Toute l'économie politique témoigne de cette difficulté. Elle s'exprime dans le fait que la monnaie, en tant qu'elle est une assignation sur la société tout entière, prend une forme médite : « La monnaie est une traite sur laquelle le nom du tiré est manquant ».
Et par conséquent, toute la démarche analytique, devrait être axée en première intendance sur l’épistémologie de la sémantique, de la rhétorique et de l’éthique envers ‘’l’objet’’ au rapport de la moralité du ‘’sujet’’ justifiable…Voire justiciable.
Avec pour particularité en ces systèmes sociétaux modernes, en celle que le classement dans l’échelle sociale s’effectue majoritairement par la fonction de représentation au rapport de la possession du bien matériel et financier, et le déclassement communautaire au regard de la sémiologie des immoralités ‘’reconnues’’ ou des différences ‘’fautives’’, souvent aléatoires.
‘’Notons que penser à l’ordre idéal comme écart entre l’économie et la monnaie revient à dire que la monnaie est une imperfection dans une démarche uniquement économique dématérialisée de sa fonction sociale où l’attrait mobilisateur envers le refus social ne saurait être autre que celui d’avoir les moyens individualistes nécessaires à exister hors de ce même système social-économique délétère envers la légitimité de la communauté de bien(s)…’’. Avec ou sans ‘’s’’ !
Le contrôle économique est extraordinairement concentré. Il est tout à fait exceptionnel qu’une seule étude nous force soudain à nous représenter l’univers qui nous est familier d’une manière tout à fait différente de ce qui prévalait jusqu’à présent.
On évoque alors un changement de paradigme. « Parfois les gens ne veulent pas entendre la vérité, parce qu’ils ne veulent pas que leurs illusions se détruisent »… Friedrich Nietzsche
9 : Ainsi, conformément à notre présentation générale, si la monnaie échappe à la catégorie économique centrale, le ‘’contrat’’, c’est parce que, dans les civilisations individualistes, la communauté n'a plus d'identité spécifique : on ne saurait donc contracter avec elle. Ce n'est qu’en unique cause métaphorique que la monnaie est appelée créance puisque nul sujet ne supporte l'obligation de remboursement. Pour la simple raison que tout sujet est constamment en potentialités de métamorphose, ou changement ce qui ne peut être le cas pour ‘’l’objet’’ matériel stabilisé… Immobilier et sujet à moindres incertitudes… ???
Il faudrait en conséquence trouver le juste déterminant du ‘’sujet’’ dans le Monde Naturel Vivant, des désirs, peurs, servitudes et croyances, voire soumissions à l’ordre symbolique.
Posée dans ces termes, la question monétaire s'identifie à un problème difficilement soluble, que rencontre fréquemment l'individualisme: ‘’Rendre compte des entités collectives et règles contraignantes qu'elles imposent aux sujets au travers du simple jeu des raisons individuelles. Il s'agit de reconstruire ces réalités sur la base de la logique des interactions entre sujets privés’’… i.e. Réduire l'institutionnel au contractuel. Avec utile nécessité à comprendre que les règles commerciales, législatives et juridiques se doivent d’être établies dans le cadre de la transaction équitable. On sait les difficultés de telles stratégies. Leur enjeu est néanmoins fondamental. Il s'agit de démontrer la viabilité des valeurs individualistes, leur prétention à fonder un ordre social stable, cohérent, débarrassé de tout résidu holiste ; autrement dit, capables de penser l'adhésion à l'ordre collectif comme le résultat d'un calcul rationnel et ‘’humainement’’ acceptable… En matière monétaire, ces difficultés se doublent du fait qu'il ne s'agit pas d'une institution périphérique, mais d'une réalité à maints égards constitutive des relations marchandes, voire de la notion même d'individu reconnaissable en et par sa valeur identitaire imaginée utile, nécessaire, inadaptée ou intéressante. Pour cette raison, la question monétaire, dans le champ économique, s'identifie à la question de l'origine, non pas au sens de « l'origine historique », mais entendue comme une interrogation perpétuelle sur ce qui fonde les valeurs marchandes… Et énergies productives…
Dans le système intra-communautaire et interculturel…
Par, pour, dans ; et avec ou ‘’sans’’ le référentiel [Monétaire] ou ‘’Argent’’. Car l’économie est système que ne peut en aucun cas être dissocié de l’état social, culturel et technologique lié aux activités échangistes des populations et communautés, qui composent cette nation en tant que zone géographique définie…
Or, dans la mesure où les valeurs analytiques communautaires se refusent à chercher cette origine dans un réfèrent transcendant, comme la loi, la foi ou la confiance, l'approche individualiste est conduite à appréhender instinctivement l'origine, comme matière précieuse (pierres, or, argent, objets valorisants, symboles, totems, signes… ; etc… reconnus par la communauté) et donc le fait monétaire, sur le mode de l’auto-institution des idées, motivations, pensées et actes, en et par le défaut d’analyse ou le refus d’étude, voire le déni de compréhension des liens épistémologiques, ontologiques, historiques, sociologiques et sémiotiques dans le système d’échanges de biens et services à réseaux humains… Analyser l'extériorité sociale comme auto-extériorisation est ce qui peut définir la stratégie de réduction individualiste des formes holistes. Les difficultés que rencontre un tel programme de recherches prennent le plus souvent la forme du paradoxe entre le corps (La matière) et l’esprit (L’intelligence) ; soit [ME] = Matière-Energies en physique, ou la dualité [Onde-Corpuscule], en mécanique quantique… Sachant que tout est Matière et Energie ‘’ICI’’… Et par conséquent la pensée cognitive peut être considérée comme une énergie propre au cerveau, voire au corps organique dans et par son entièreté ‘’humaine’’ dans le monde du Vivant…
10: Il semble qu'on ne puisse rendre compte de l'existence de l'institution considérée qu'à condition de supposer qu'elle est déjà là! Le phénomène monétaire illustre, de manière exemplaire, ces difficultés paradoxales. C'est ainsi que G. Simmel écrit : « Le double rôle de l'argent vient de ce qu'il mesure les rapports de valeur entre les marchandises à échanger, tout en s'introduisant lui-même dans l'échange avec elles, si bien qu'il représente à son tour une grandeur à mesurer [...]
Or dans tous systèmes naturels vivants dotés de la conscience peu importe leurs fonctionnements et pragmatismes, l’analyse sera intrinsèquement soumise à l’étude historique, sociologique, éthique, morale de l’axiome suivant : ‘’Toute valeur ajoutée se définie par actions d’utilité, de nécessité, d’essentialité ou de superflu… Dans la dimension sociale-économique individuelle ou communautaire, culturelle et ontologique attachée au mammifère-humanoïde pensant, présent dans l’écosystème…
Mais pourquoi, pour qui, pour quoi, où, quand et comment…’’ ?
Là sont les questions ! Où les deux réponses soumises elles-mêmes à études, analyses et théories philosophiques, sociologiques, mutationnistes, anthropologiques, culturelles, théologiques, morphosyntaxiques, sémiotiques, philologiques et psychologiques ne sauraient être que celles de comprendre le bon sens du faste et du néfaste dans l’aire communautaire, ou l’intérêt est majoritairement lié à la nécessité d’exister par l’anthropocentrisme, hors d’une potentielle compréhension des notions de justice et d’équité… Et des liens interindividuels…
Avec pour présomption primaire, souvent celle d’une forme mégalomaniaque de soi ; par l’argent et le désir névrotique de possessivité, et d’accaparement. La monnaie fait donc partie de ces représentations normatives se soumettant à leurs propres normes. Tous les cas de ce type créent des complications et des circularités de la pensée, qui sont premières, bien que partiellement solubles : ‘’Le Crétois qui déclare menteurs tous les Crétois et donc, tombant sous son propre axiome, inflige un démenti à ses dires’’...
Pareillement, l'argent, critère et moyen d'échange, surplombe les choses précieuses ; mais comme son rôle exige à l'origine un support de valeurs et confère ensuite valeur à son support, il se range à son tour parmi ces choses et se plie aux normes qui émanent des pensées, idées et théories qui leurs donnent mobilisations et non une quelconque particularité stable émanant de la monnaie, elle-même… Valorisée par une certaine forme implicite propre à l’art des gens, qui peut être aussi bien d’ordre personnel que par une vectorisation communautaire… Phénomènes de l’addition, voire de la multiplication... Par le produit scalaire de la ||Sociale-Economie||, où le résultat holistique en serait la ‘’Culture’’ et le ‘’Savoir’’, au sens universel de celle-ci et de celui-là…
11: P. Samuelson souligne également cette étroite connivence existant entre la monnaie et le paradoxe. Paradoxe : La monnaie est acceptée parce qu'elle est acceptée… Où en cet état analytique, l’épistémologie ontologique disparait au profit de l’unique théorie Darwinienne de l’évolution des espèces… L’homme a indéniablement un impact sur son environnement…
12: Comme tout paradoxe, il repose sur une confusion des types logiques. En effet, la proposition de P. Samuelson peut se lire de la manière suivante : « Moi, j'accepte la monnaie si le tout, l'ensemble des échangistes, accepte la monnaie. Comme nous l'apprend la logique, dans la mesure où sont clairement distingués le « moi, je » et le « tout », l'élément et la classe des éléments, le paradoxe disparaît ». Mais cette lecture logique ne nous sert à rien. Elle ne fait que souligner à nouveau ce que nous avons déjà reconnu comme étant à la source de nos difficultés: ‘’La monnaie n'est paradoxale qu'au sein d'une pensée qui se refuse à appréhender la totalité sociale comme radicalement distincte des individus qui la composent’’. D'une certaine manière, on peut dire que la confusion des types logiques est constitutive du mode de pensée individualiste. Aussi le paradoxe en tant que référentiel de la sémantique et de la rhétorique s'impose-t-il, dans la pensée moderne, comme la substance scripturale même de la monnaie. Les formes sociales comme la confiance, la foi ou l'habitude, détruisent le paradoxe dans la mesure où elles expriment l'adhésion collective envers la monnaie sur un mode autonome, comme séparée du comportement des « moi, je ». Ce faisant, la circularité propre à l'autoconstitution est rompue, puisque la sphère monétaire est elle-même indissociable du : ‘’C’est tout nous’’ et du ‘’C’est tout cela ou, ceux-là et celles-là ?’’… Au même titre que la ‘’sphère’’ corporatiste impérieuse. Et dès l’instant où nous conférons à cette ‘’zone de gestion’’, des pouvoirs ‘’entitoriels’’, laissant penser à l’unité ‘’humaine’’, que l’outil monétaire n’est pas une énergie ‘’immatérielle’’ positive ou négative du module social-économique intrinsèquement pourvu d’utilité intellectuelle et nécessité manuelle, est une imposture. C'est donc bien le refus d'une telle solution, le déni de considérer les ensembles collectifs comme des volontés actives, agissant au-dessus des hommes, à leur insu, qui crée le paradoxe par et en l’échange monétaire. Dans cette perspective, c'est la lecture borgésienne plutôt que russellienne du paradoxe qui s'affirme pertinente. Borges écrit en effet du paradoxe qu'il est cette imperfection que les hommes ont laissée dans le monde pour rappeler constamment à la conscience des générations postérieures que celui-ci, malgré son apparente objectivité, n'est rien d'autre qu'une invention humaine : « C'est nous qui avons rêvé l'univers ». Nous l'avons rêvé solide, mystérieux, visible, omniprésent dans l'espace et fixe dans le temps, mais nous avons permis qu'il y eût à jamais dans son architecture de minces interstices de déraison, pour attester de sa fausseté.
13: Le paradoxe est là pour nous interdire « de prendre nos propres fantasmagories pour des apparitions autonomes ».
14: Suivant ces réflexions, il apparaît que les difficultés rencontrées par les sociétés de l'économie politique, dans sa compréhension de la monnaie, doivent être analysées comme l'expression d'un problème plus vaste, en et par celui que pose la cohérence des valeurs individualistes. Il est clair qu'une telle question traverse l'ensemble de la pensée moderne. Traditionnellement, elle relève plutôt de la philosophie politique ou de l'anthropologie sociale, mais nous voudrions montrer l'intérêt qu'il y a à prendre au sérieux ce qu'en dit la théorie économique. Vu l'ampleur du sujet, la réflexion proposée dans ce texte ne peut prétendre qu'à être illustrative de ce que serait une démarche qui chercherait à conjuguer systématiquement les outils formels de l'économie avec les acquis d'autres disciplines, tout particulièrement la sociologie, la philologie, la sémiologie, l'anthropologie, la philosophie, les échanges et la logique…
Notre idée est d'interroger les différentes solutions auxquelles a recours l'économie politique pour rendre compte du fait monétaire et de montrer qu'elles expriment toutes une même inquiétude : la monnaie, en tant qu'elle est matérialisation de la totalité sociale, en tant qu'elle repose sur une certaine méconnaissance des agents vis-à-vis des conditions réelles de sa production, nous met face à une dimension archaïque des relations marchandes au sens où elle témoigne de certains modes holistes de rapport à l'ordre collectif. L'économie politique, parce qu'elle exprime, par-delà ces divisions, les valeurs individualistes, est donc amenée à voir dans la monnaie un obstacle majeur à son projet. On peut alors lire les positions des différents courants de la théorie économique comme tous également tendus vers un même but : supprimer l'archaïsme que constitue la monnaie. La théorie économique a-t-elle réussi à rendre compte de la réalité monétaire sur la seule base des calculs individuels ?
La théorie sociologique a-t-elle réussi à prendre en compte tous les liens, et échanges des sociétés et écosystèmes hors acquisitions matérielles absolues ? La philosophie anthropologique a-t-elle réussie à mettre en adéquation l’anthropomorphisme efficient et morphosyntaxique moderne ? Le langage mathématique et la logique vont-t-ils réussir à expliquer celui du fonctionnement politico-socio-économico-culturel et l’individualisme exclusif ? Comment cela est-ce possible ? Et comment réussir à comprendre la ‘’fantasmagorie monétaire’’ en, par et avec les échanges de bien(s) et service(s) ?... La première partie de ce texte sera consacrée à la première question, les autres pourront éventuellement être développées en et par d’autres analyses. Notre réponse à la 1ère question sera négative: ‘’Dans la monnaie se révèle un certain inachèvement de l'ordre individualiste’’ – « Holisme cultu(r)el allocentrique ? »… Cette thèse a de nombreuses implications quant à la compréhension des rapports entre monnaies primitives et monnaie moderne. En effet, elle appelle, conformément aux analyses de certains anthropologues, un renversement de perspective au terme duquel il s'agit de « se demander non pas si la monnaie (primitive) se conforme ou non à une des définitions possibles de la monnaie moderne, mais plutôt si elle ne révèle pas en celle-ci des propriétés insoupçonnées. Il nous semble en effet que monnaie (primitive) et monnaie moderne sont toutes deux et en première intendance monnaie. Ce n'est pas tant la monnaie qui est de nature différente, mais tout ce qui l'entoure. Notamment les échanges commerciaux, économiques, les comportements, la politique, les covalences, actions & réactions … Les subjectivités du clan et de la communauté. Voire la psychologie de la possession et de l’accaparement…
15: La seconde partie, hors, de ce texte sera consacrée à l'analyse des relations entre monnaies primitives et monnaie moderne. Cette étude nous permettra de mieux comprendre ce qui constitue l'originalité propre à l'usage moderne de la monnaie. L'inachèvement monétaire ou l'impossible transparence. La conception monétaire la plus largement répandue en économie est ce qu'on appelle la théorie quantitative de la monnaie.
Nous commencerons par l'étudier. On y voit pleinement les difficultés que rencontre cette discipline dès lors qu'elle est confrontée à la monnaie. On y verra que la réconciliation entre valeurs individualistes et monnaie n'y est obtenue que grâce à une quasi-disparition du fait monétaire.
‘’La neutralité monétaire ou la disparition de la monnaie.’’
La monnaie jouit, au sein de cette théorie, d'un statut très particulier. On peut l'analyser en suivant la dichotomie proposée par P. Samuelson (prix Nobel et conseiller de Kennedy). Celui-ci distingue dans le phénomène monétaire une dimension qualitative et une dimension quantitative. D'un point de vue qualitatif, la monnaie est essentielle. Elle est l'institution fondatrice des économies de marché et les économistes ont longuement démontré l'inefficacité des systèmes de troc. « Mais une fois que l'avantage qualitatif a été réalisé grâce à l'adoption de structures et conditions marchandes utilisant la monnaie ‘’M’’, le niveau quantitatif de ‘’M’’ n'a aucune importance.
16: L'image traditionnelle qu'utilisent les économistes depuis John Stuart Mill (philosophe et économiste anglais) est celle de la monnaie comme lubrifiant des échanges : i.e. ‘’Les flux commercialisables’’. Pour désigner cette indifférence de l'économie vis-à-vis de la quantité de monnaie, on utilise le terme de neutralité de la monnaie. Cela signifie que les échanges et la production ne sont modifiés ni en niveau, ni en structure par des variations dans la quantité de monnaie émise. Ils ne dépendent que des données réelles de l'économie, à savoir les technologies disponibles, les ressources utilisables, et les préférences des consommateurs. Les variations dans l'offre de monnaie ne modifient que le niveau général des prix. Pour reprendre l'analyse de D. Patinkin, on peut décrire la neutralité de la monnaie par le fait que ni les prix relatifs, ni les échanges, ni la production ne sont affectés par la transformation de l'économie monétaire en une économie de troc.
17: Pour ce qui est de la détermination des variables économiques actuelles, tout se passe comme si on se trouvait dans une économie sans monnaie physique (matérielle), mais uniquement scripturale (virtuelle, Bitcoin & autres…). C'est la comparaison avec le langage qui s'impose ici à l'esprit. En effet, dans la mesure où le langage permet l'expression des pensées sans perturber leur sens, on y retrouve la même dualité : d'un côté, l'importance qualitative, à savoir permettre la communication ; de l'autre côté, la neutralité par rapport aux données réelles que sont les significations, déterminants et symboles transmis par le langage. Autrement dit, si la monnaie est neutre, c'est qu'elle n'est qu'une pure forme sans action sur la constitution des relations interindividuelles. Celles-ci ne dépendent que des données réelles de l'économie. De manière tout à fait révélatrice, l'économie parle, dans le cas contraire, d'illusion monétaire. Dans une telle conception, l'existence de la monnaie ne saurait donc être mise en cause puisque à aucun moment elle ne vient restreindre la liberté des sujets marchands. Elle n'est source d'aucun conflit micro ou macroéconomique ; elle n'est qu'un simple outil qui offre à chacun et chacune sans discrimination, les biens et services en tant que référentiel fiduciaire attaché à une possible suggestion des propriétés, et valorisations de l’objet physique ou facultés du sujet matériel ou immatériel… Sauf lorsque l’effet d’encaisse devient le déterminant principal lié au seul montant de l’épargne où l’inflation est devenue suffisamment forte pour que les agents cherchent à maintenir constante la valeur de leur patrimoine en termes réels consentant un effort d’épargne important pour compenser la baisse de la valeur réelle de leur richesse. Théorie de Pigou ayant omis que trop d’épargne tue l’investissement et la circularité monétaire.
Keynes critiqua son livre ‘’Theory of Unemployment’’.
Dans un tel effort d’épargne, seul la quantité de monnaie acquise avant l’effet d’encaisse permet à ces agents de faire face à l’inflation, dans une durée compatible avec l’achat de biens essentiels permettant d’éviter l’exclusion du système…
Si une telle analyse met en scène une certaine dualité, ou ambivalence propre au fait monétaire, celle-ci ne dégénère pas pour autant en paradoxe. En effet, si la monnaie est à la fois indispensable et neutre, c'est selon deux directions distinctes, auxquelles sont associées deux temporalités qui ne sauraient se chevaucher. La première temporalité est celle qui correspond à la constitution de l'espace marchand, où ses limites ne sauraient n’être que celles des capacités intellectuelles et physiques des acteurs et actrices de la dimension productive, administrative et commerciale en tant que gestionnaires de ces mêmes facultés et propriétés propres à la zone géoéconomique ayant propriétés à prendre en considération l’utilité ou l’inutilité des fonctionnalités et pragmatismes dans l’espace socio-économique au nom de l’habitude, la synchronique humaine, l’intérêt, la considération, le collectivisme. Ou de l’attention et la curiosité… Et du désir ? Dans cet espace-temps la monnaie est essentielle ; c'est elle qui permet la création de ce nouvel univers. Mais dans sa dimension duale, la monnaie efface toute trace de cette origine pour ne plus exister que comme simple support ou référentiel sémiologique apporté à vues, ouïes, sensations, sensibilités et émotions particulières… En tant que considérations de la représentation touchable ou touchante de l’objet physique, ou du sujet virtuel… Et la deuxième : ‘’La valeur de chaque monnaie’’. Cette dichotomie, dont le temps est le porteur, permet d'éviter les paradoxes de l'auto-institution : la qualité sociale, collective, du signe monétaire est totalement absorbée dans le temps de la genèse ; une fois produite, cette qualité se présente aux yeux des agents comme une donnée, comme une ressource qui est à leur entière disposition. La monnaie est alors acceptée par les individus en raison des services qu'elle procure. Pour finir de présenter cette théorie, il convient de réfléchir sur la manière dont ont été formalisés et appliqués les services rendus par la monnaie.
On distingue trois motifs de détention de monnaie, à savoir le motif de transaction, celui de précaution et celui de spéculation. Conceptuellement, c'est le motif de transaction qui prime puisque s'y réfléchit cette caractéristique première des économies monétaires qu'est la multi-latéralité des échanges.
Le motif de transaction est présenté par D. Patinkin comme lié à l'absence de synchronisation entre les encaissements et les décaissements. Il s'ensuit un désir de liquidité de façon à faire diminuer la gêne que crée une insolvabilité temporaire. D. Patinkin présente cette gêne de la manière suivante : « L'individu à court de liquidité peut faire face à cette situation de deux façons : ou bien il peut manquer temporairement à ses engagements pour tout paiement qu'on lui demande d'effectuer — acte qui est supposé lui causer certains désagréments ; ou bien il peut reconstituer ses encaisses en obtenant pendant la semaine le remboursement (à leur valeur d'échéance) des titres qu'il détient — ce qui est supposé exiger de sa part des démarches ennuyeuses.
La sécurité que procurent les encaisses monétaires contre ces deux types d'inconvénients est ce qui est supposé leur conférer de l'utilité. Il est clair, toutefois, que l'aptitude des encaisses monétaires à procurer cette sécurité dépend de leur valeur réelle et non pas nominale. De même, ce n'est que la valeur réelle des encaisses monétaires qu'il convient de prendre en compte pour les calculs d'utilité que font les individus, envers le besoin d’acquisition, du bien essentiel, nécessaire ou superflu… Ainsi qu’envers l’épargne ?
18: Dans cette conception, la monnaie a donc une utilité directe. Cela la différencie des titres qui, en général, n'ont qu'une utilité indirecte : les titres ne valent qu'au prorata de ce qu'ils permettent d'acheter, sauf ceux dont on suppose par ailleurs qu'ils sont dotés d'une certaine liquidité. Il s'ensuit que la monnaie apparaît dans la fonction d'utilité des agents au même titre que les marchandises. Le service spécifique qu'elle rend, c'est sa liquidité. Il s'agit d'une assurance contre le risque que fait courir l'incertitude existant sur l'échelonnement des paiements.
Ce faisant, la demande de monnaie a les mêmes propriétés que les demandes de marchandises. Sa stabilité traduit la stabilité du besoin qu'elle satisfait, à l'instar des autres marchandises. Ce qui permet l'ajustement entre la monnaie nominale émise et l'amplitude du désir d'assurance. Ceux sont les variations du niveau général des prix, tout comme ce sont les variations du prix d'un bien par rapport aux prix des autres marchandises, supposant fixe le niveau général des prix, qui permettent l'équilibre entre l'offre et la demande des biens et services marchands. Autrement dit, dès lors que la monnaie est produite, on peut la considérer comme une marchandise ordinaire, celle qui satisfait le désir de liquidité. Dans cette présentation, la nature sociale et collective du service que procure la monnaie disparaît. Son objectivité est supposée acquise une fois pour toutes, et la possession d'encaisses réelles permet de satisfaire, au niveau qu'il plaira, le motif de transaction. Une telle théorie ne laisse aucune place aux questionnements que l'introduction avait mis en scène : ‘’La monnaie est acceptée par tous puisqu'elle procure à chacun une utilité’’. Que cette utilité dépende in fine de l'acceptation par autrui du signe monétaire n'est pas jugé à l'intérieur de ce cadre théorique, comme une question pertinente : ‘’Il s'agit d'une question historique, celle de l'émergence de la monnaie’’. Ce que dit la théorie, c'est qu'une fois créée, la monnaie ne manquera pas d'être acceptée par les agents puisqu'elle satisfait un besoin objectif de transactions, entres les propriétés de biens et facultés de services. Cette conception de la monnaie permet de résoudre d'une manière très particulière les difficultés que pose son statut d'objet collectif. Difficultés que nous avons recensées précédemment : en les faisant disparaître.
Cette disparition est double.
Dans un premier temps, elle consiste à assimiler la formation de la monnaie à une question historique. Donc à la valeur monétaire définie sur une période satisfaisant aux normes des échangistes de la zone sociale-économique… Considérée…
Mais une telle construction serait insuffisante si le déroulement même des échanges ne faisait réapparaître sur le devant de la scène, ce que l'histoire devait absorber, à savoir la question de l'« acceptabilité » de la monnaie ; dans l’ordre communautaire.
Aussi la première disparition doit-elle être poursuivie dans une seconde qui garantit qu'aucune suspicion sur la qualité monétaire ne pourra émerger des échanges eux-mêmes. Cette seconde disparition est obtenue au travers du concept de neutralité. En effet, la neutralité signifie que la monnaie ne se trouve impliquée ni dans la détermination des rapports interpersonnels, ni dans la constitution des objectifs individuels. Autrement dit, la circulation des marchandises ne voit dans la monnaie qu'un moyen extérieur à elle-même. Cette double disparition neutralise tout questionnement spécifique qui porterait sur la nature sociale de la monnaie. Dans un tel cadre théorique, la présence de la monnaie n'est nullement incompatible avec l'activité calculatrice des individus, c'est-à-dire avec la maximisation de l'utilité personnelle. Elle n'implique aucun aveuglement, aucune foi irrationnelle, aucune habitude compulsive pour être acceptée en tant que référentiel de valeur, aussi son existence ne viole-t-elle en aucun cas la conception individualiste des relations sociales, hors pratiques prédatrices divisionnaires pour, ou envers, et avec les fonctionnalités monétaires d’ordre égocentrique…
Extra et intracommunautaire… Ou géocentrique…
A tentations de possessivité absolue envers l’objet ou le sujet…
Hormis formalisation avide, cette présentation, malgré son incontestable élégance, ne nous semble pas totalement satisfaisante : elle fait disparaître le problème plus qu'elle ne le résout. On ne peut considérer que les qualités monétaires soient acquises une fois pour toutes ; que le mouvement des échanges, au travers du motif de transaction qu'il fait naître, en assure la reproduction sans heurt, ni effets de stratégies économiques…
Les crises monétaires, sous des formes variées, nous rappellent que les monnaies sont mortelles. Continuellement, de manière plus ou moins latente, la société marchande interroge sa monnaie, sonde l'aptitude cohérente de celle-ci à remplir sa fonction d'intermédiaire impartial des échanges.
Comment s'exprime ce questionnement ?
Quels en sont les déterminants ?
Conformément à une tradition où l'on trouve des théoriciens aussi prestigieux que K. Marx et J. M. Keynes, nous pensons que c'est la monnaie en tant que moyen de réserve qui constitue le lieu où ce soupçon s'élabore.
Thésaurisation et raison critique
K. Marx remarque que, dans les fonctions d'unité de compte et de moyen de circulation, la monnaie ne se donne à voir que sous des formes partielles, fragmentaires, ce qu'il appelait, respectivement, la monnaie idéale et la monnaie symbolique ; alors que dans la thésaurisation, c'est la monnaie réelle, « la monnaie proprement dite », qui apparaît. En tant que monnaie idéale ou symbolique, la monnaie peut être remplacée par des symboles d'elle-même. Telles des représentations physiques ou picturales attachées à toutes fonctionnalités créatives, conceptualisations, édictions, mouvements, mobilités, réalisations, affairements, actions, réactions, que celles et ceux-ci soient affectés(es) aux ou par les capacités intellectuelles, facultés manuelles et énergies valorisantes… Des individus de type mâles ou femelles, et définis en tant que genre ‘’Mammifère-humanoïde’’…
En espérant que l’homme ‘’moderne’’ futur sera suffisamment lucide pour entrevoir qu’il est encore assujetti à quelques fonctionnalités affectées à ‘’L’homo-erectus’’, et surtout infécondes à envisager meilleures évolutions, mais assurément infectées par les misérables croyances obsolètes, arrosées aux poisons de la supériorité prédatrice inefficaces au maintien des libertés, où la seule sienne eut été de se dresser sur ses deux pattes de derrière, tout en ayant oublié, qu’à l’inutilité d’être une mauvaise langue, il aurait été mieux inspiré, en donnant la sienne au chat de l’écrivain…
Du conteur…
Du poète et de l’humaniste, accompagnés par quelques agréments propres aux philosophes, épistémologistes, anthropologues, linguistes, théoriciens Aristotéliciens, Kantiens, Freudiens, Darwiniens, Bergsoniens, acteurs et actrices terriens, romantiques en tant que dépositaires des mots, expressions et signes à dépendances utiles au maintien des attentions socio-culturelles dans et par leurs meilleures formes paradoxales liées à la symbolique de l’attachement, de l’attention et de la liberté…
En effet, dans la répétition inlassable du mouvement des échanges, la monnaie se dématérialise: « Son existence fonctionnelle absorbe son existence matérielle », mais, dans la thésaurisation, la monnaie se donne à voir dans toute sa plénitude… « Elle se dresse face aux marchandises usuelles comme l'unique incarnation adéquate de leur valeur ».
La monnaie est une subjectivité de l’apparat corporatiste.
K. Marx sent à quel point l'expérience de la thésaurisation est traumatisante pour l'harmonie des relations marchandes : elle met en péril la continuité des échanges. En dissociant les actes de vente et d'achat, la monnaie thésaurisée n'apparaît plus comme un simple outil à la disposition de tous, mais comme le lieu d'un pouvoir effectif, subjectif, voire ‘’affectif’’, que chaque particulier peut exercer sur la circulation des marchandises. Cette émergence trouble la rigueur de l'ordre quantitativiste des objets et sujets. On voit réapparaître ce que le concept de neutralité avait refoulé, à savoir la monnaie comme force sociale : ‘’ Dans la thésaurisation, la puissance sociale devient puissance privée des corporatismes particuliers, tendant paradoxalement à devenir des sujets de type acheteurs libres et conscients de leur pouvoir à acquérir l’objet du besoin et du désir par la nécessité, l’utilité, l’essentialité, ou la superficialité, avec toutes les connaissances disponibles et savoirs liées à la conceptualisation, fabrication, métamorphose, et la distribution de ce même ‘’sujet-objet’’ respectant l’éthique économique et la déontologie de l’échange social… ??? ‘’.
Ou de l’essentialité du commerce à tout prix, dans la sphère sociale-économique … ?
Le danger que ce type de comportement non maîtrisé ou non-régulé législativement et démocratiquement, où la valeur unique est… ; le consumériste endiablé, désolidarisé de la pensée cognitive et logique, et d'autant plus grand que la demande de thésaurisation « n'a, de par sa nature, ni règle ni mesure » ; sauf en et par celle du tragique besoin d’en désirer toujours plus, doublé de cette singularité impropre à une certaine forme de stabilité quitte à employer en ces cas d’incertitudes, des moyens inappropriés aux justes échanges, voire autres attachés à l’obsolescence programmée par une valeur subjective de ‘’l’objet’’ et dénaturant par là même la dématérialisation monétaire généralisée, même celle déboutée d’ordre moral affecté par le désir individualiste ou objectifs et intérêts non satisfaits. Contrairement à la demande de monnaie, telle qu'elle se déduit du motif de transaction, la demande de thésaurisation que considère K. Marx est fortement instable, et s'y exprime, sous la forme la plus absolue, l'arbitraire individuel, avec, actuellement, possible fonctionnalité à entrer dans une phase de décroissance sociale-économique. Aussi, pour K. Marx, sa logique relève-t-elle essentiellement de la psychologie, et, plus spécifiquement, de la psychologie de l'avarice.
Phénomène tendant à vouloir posséder l’objet par l’empressement de nécessité d’accaparement, en ce cas nommée valeur fiduciaire de l’objet-sujet matérialisé, et assurément devenue à l’instant de l’achat : ‘’propriété immobile addictive’’. La fonction d’utilité du flux monétaire se trouve en ce cas morpho-psychologiquement assujettie, à l’accaparement individuel de la rareté ou à la possession compulsive… Irraisonnée, individuellement utile, superficielle ou fétichiste ?
Il me semble que dans notre beau pays, certaines politiques sociale-démocrate et ordo-libérale déficiente, démocrate-chrétienne, herméneutique-protestante et de droite-catholique, sont encore empreintes de trop du principe de subsidiarité affilié au Grand Ordonnateur, pour pouvoir mettre en place une réelle République Démocratique Laïque… Autorisant de potentiels accords constructifs entre le riche raisonnable et le précaire, le donneur d'ordres sensé et le courtisan, le maitre sagace et l’estudiantin, l’homme esthète et la femme conquise (et réciproquement), la liberté et l’attachement… Hors croyance exaltée envers la religiosité-politicienne ou autres politiques-templières frelatées, adorateurs et adoratrices de Mammon…
L’ORDOLIBERALISME
Article de Jean-Claude COIFFET (2008), complété par quelques ajouts et modifications textuelles personnelles.
« Le projet ambitieux de l'Union économique et monétaire européenne est un pur produit de la pensée ordo-libérale ».
Frederick Bolkenstein
Il s'agit à l'origine d'une simple idée, d'un concept, qui fut progressivement transposée dans l'économie allemande, en en devenant même l'un des principaux éléments.
En fait, cette idée est la formulation, habile et ambiguë, d’une politique économique qui se réfère à une théorie (et même une véritable idéologie) particulièrement élaborée, née en Allemagne dans les années trente : “L’ordolibéralisme”, se réfère explicitement à Röpke, l’un des fondateurs de cette pensée avec Eucken et Müller-Armack. Le terme Ordolibéral fait référence à une revue créée à l’époque, intitulée Ordo (regroupant tous les néolibéraux européens) et qui se veut la revue d’un nouvel ordre économique et social (Ordnung von Wirtschaft und Gesellschaft). Cet intitulé permet de bien comprendre qu’il ne s’agit pas d’une simple idée pragmatique de politique économique ni même d’une simple théorie économique parmi d’autres mais bien de l’énoncé de principes fondamentaux et universels d’un ordre social ‘’idéal’’... ‘’L'économie sociale de marché’’ consiste en un mélange de deux systèmes. De la même façon que les “Démocraties Populaires” n’étaient ni démocratiques ni populaires, “L’économie de marché sociale” n’est ni libérale ni sociale. Non seulement il n’est pas question de mêler libéralisme et social-démocratie, mais les ordolibéraux rejettent à la fois le libéralisme (aussi bien économique que politique) traditionnel qu’ils nomment de manière péjorative le paléo-libéralisme et le socialisme, qu’ils considèrent comme le mal absolu.
« Pour Eucken, le socialisme était une vision d'horreur, un modèle, non seulement d'inefficacité, mais aussi, et surtout, d'absence de liberté ».
Frederick Bolkenstein, homme politique néerlandais, ordolibéral convaincu et militant, longtemps responsable du parti populaire (libéral), président de l’Internationale libérale de Londres entre 1996 et 1999, auteur de la directive « services » (dont le principe structurant du « pays d’origine » a été l’objet de fortes contestations) qu’il a élaboré lors de son mandat à la commission européenne entre 1999 et 2004. Elle retient en effet des éléments de marché libre ainsi que d'économie plus centralisée. Elle se pose alors comme un troisième choix entre peu ou trop d'interventions de l'État dans l'économie.
Le “en effet” ne manque pas de sel.
L’ordolibéralisme n’est justement pas pour un marché libre. Le marché, à ses yeux, n’est pas une donnée naturelle, contrairement aux thèses libérales classiques, et donc risque d’évoluer dangereusement. Aussi, le marché doit-il être institué rigoureusement, et même autoritairement, encadré. Entre autres, par une Constitution, qui doit énoncer non seulement les principes économiques et sociaux (Ordnung von Wirtschaft un Gesellschaft), mais aussi les règles de fonctionnement intangibles et impératives pour assurer cet ordre (le projet de Traité constitutionnel européen était typiquement d’inspiration ordolibérale).
D’autre part, cette idéologie est farouchement opposée à tout centralisme aussi bien politique (décentralisation politico-administrative), qu’économique (lutte systématique, voire obsessionnelle, contre les monopoles et la survalorisation des PME), que social (la famille comme cadre privilégié de la vie sociale… ; communautarisme, et peut-être, d’une certaine manière, pour ‘’eux’’ ; seul socle ‘’culturel’’ affilié au sens commun ?). Enfin, l’Etat est conçu à la fois comme une sorte d’autorité religieuse, gardienne du credo “concurrentiel”, et comme une entreprise ‘’paternaliste’’ dans son fonctionnement, et non comme l’Etat démocratique classique. Il ne doit d’aucune manière intervenir dans le libre jeu de la concurrence, ni dans aucun domaine de la vie sociale. Par contre, il doit, en amont, offrir le cadre institutionnel permettant cette libre concurrence et, en aval, sanctionner sévèrement toute déviance qui porterait atteinte à celle-ci (la fameuse formule de la concurrence libre et non faussée). Il doit lui-même s’interdire toute intervention, même sous prétexte de l’intérêt collectif.
Pour les ordolibéraux, l’intérêt commun ne peut en aucune façon se déterminer par un projet a priori (une finalité) rationnel collectif, mais se réalise spontanément (a posteriori) par le libre jeu de la concurrence. Toute institution, privée ou publique, doit se forger et agir sur le modèle de l’entreprise et ne doit obéir qu’à un seul critère : la rentabilité. (Variable unique de l’économie) - « Le projet ambitieux de l'Union économique et monétaire est un pur produit de la pensée ordo-libérale ».
Frederick Bolkenstein.
La conception de ‘’l'économie de marché sociale’’ voudrait associer le principe de la liberté des marchés et celui de la compensation sociale. (Etats ambigus et rarement égalitaires).
On ne revient pas sur la confusion entre marché libre et concurrence instituée. Mais surtout, l’ordolibéralisme est radicalement opposé à toute forme de solidarité collective universelle (type sécurité sociale ou services publics gratuits par exemple). La famille doit être le seul lieu solidaire et assurantiel, à charge bien sûr, de faire appel à des entreprises de service, concurrentielles, aussi bien pour la santé, l’enseignement, la retraite etc… En opposition donc avec la conception sociale-démocrate lucide de la nécessaire mise en œuvre du véritable pragmatisme collectiviste affilié à une réelle communauté ||Sociale-Economique||…
Mais avec le libéralisme classique qui, dès Adam Smith par exemple, considérait qu’il y avait des activités qui échappaient, par nature, au marché (telles l’école, la santé et la défense, par exemple). Il y a bien, par contre, l’idée de compensation sociale, mais elle se limite à des aides ponctuelles, en fonction d’accidents conjoncturels, et un soutien minimum de la frange de la population la plus défavorisée (la fameuse lutte contre l’exclusion, mais en aucune façon contre la précarité, qui en est le signe perceptible avant l’exclusion). Mais surtout, pour les ordolibéraux, la protection sociale ne doit pas faire l’objet d’une politique sociale autonome et ne nécessite aucune institution spécifique, car c’est le fonctionnement libre de la concurrence qui permet, par lui-même et lui seul, la justice sociale. Ce qui permet de redonner son vrai sens à la fameuse formule “Economie de marché sociale”. L’épithète “sociale” ne vient pas corriger le concept d’économie de marché, mais signifie que, au contraire, l’économie de marché est par nature sociale, que toute finalité sociale est la conséquence spontanée d’un marché de concurrence libre et non faussée. La laïcité n’a aucun besoin de complément circonstanciel, adjectif ou épithète. Elle est ou elle n’est pas. Mais l’économie factuelle se doit d’être sociale.
Le doute apparaît dans toute sa plénitude : il s'y exprime comme pure critique des valeurs et croyances existantes sans nécessité de proposer des hypothèses alternatives. Cette attitude simpliste exprime de la manière la plus adéquate les valeurs individualistes au regard desquelles est rationnel l'individu qui met en doute les croyances collectives, en et par leurs inutilités à être de meilleurs vecteurs socio-économico-culturels que la détention individualiste de monnaie ou de biens permettrait ? Comme l'écrit R. Bouveresse, « La prise de conscience de la faillibilité est l'acte de naissance de l'homme rationnel ».
Economie sociale de marché ou Sociale économie de marché ?
« La forme la plus élémentaire de sécurité sur le plan social est garantie lorsque chacun a la possibilité d’assurer, par ses propres moyens, sa subsistance et celle de sa famille. »
(Hans Tietmeyer). Ordre du clan ? Ou népotisme particulier ?
De même pour Hans Tietmeyer: « Ce sont justement les institutions du marché, en situation de concurrence, protectrices de la liberté et instigatrices de bien être qui peuvent atteindre la plupart des objectifs sociaux ». (Faillibilité n’est pas morale ?).
Ainsi les avantages de l'économie de marché, comme ceux de la liberté économique et du progrès technique, sont mariés avec ceux de l'économie centralisée comme le haut taux d'emploi et les faibles variations de la demande. À l'opposé, de nombreux désavantages de ces deux types d'économie sont gommés comme l'abus de liberté des marchés. Là, l’auteur de ce texte atteint le zénith du crétinisme dogmatique et/ou de la malhonnêteté intellectuelle. D’une part, il continue de prétendre que le ‘’Soziale Marktwirtschaft’’ (sociale économie de marché) est une synthèse du libéralisme et de l’économie centralisée, en totale contradiction avec les principes théoriques de cette pensée. D’autre part, il assimile liberté économique et progrès technique, alors que partout la recherche scientifique est pour l’essentiel financée par des fonds publics, et s’élabore majoritairement dans des institutions publiques ou para-publiques.
Le moteur efficace de la recherche et de l’évolution ‘’positive’’ est la collaboration et non la concurrence.
Sans oublier que l’Union Soviétique fut une des premières puissances scientifiques et une fabrique de savants, que l’occident marchand n’a cessé de tenter de “s’approprier”. Pour faire contrepoids, il assimile économie centralisée et le haut taux d’emploi, ce qui doit faire s’étrangler d’indignation et de colère tous les libéraux ou néolibéraux et par là même les adhérents à la thèse ordolibérale décrédibilisant l’utile partie liée à la gestion sociale par une véritable république démocratique. Enfin, ce “métissage” de pensées contradictoires aurait la vertu de faire profiter des avantages de chacune et d’en gommer les désavantages… par quel miracle ne serait-ce pas l’inverse ? Sachant que l’être humain est souvent attisé par les feux de la division et les lois du filoutage déontologique. D’ailleurs, les néo et ordolibéraux actuels dénoncent, au contraire, le caractère pervers de cette synthèse, que la mise en application pratique de l’économie de marché sociale a engendré dans les décennies précédentes. Ils n’ont de cesse, en particulier dans le cadre de l’UEM (l’Union Economique Mondiale), de revenir à une pureté théorique, en se débarrassant des scories sociales-démocrates qui polluent, à leurs yeux, les économies occidentales.
“Au terme actuel de son évolution depuis plus d’un demi-siècle, on peut constater pour finir que l’économie sociale de marché allemande demeure toujours un système hybride, combinant un certain libéralisme économique et un certain modèle social dont on peut se demander s’ils sont complémentaires ou au contraire à la longue incompatibles. Mais il y a indiscutablement en ce moment, sous l’influence d’une crise économique et sociale persistante et de l’évolution concomitante des idées, une remise en question profonde de la composante sociale du système dans un sens qui tend à rapprocher celle-ci, comme auparavant la composante économique, de sa conception théorique dans l’ordolibéralisme. Il serait intéressant et instructif d’observer l’effet de ces réformes sur l’évolution économique et sociale allemande - L'État y a une position forte et intervient dans les décisions économiques pour l'intérêt public et se pose en co-organisateur des politiques sociales et économiques.”
(François Bilger, économiste ordolibéral français.)
C’est l’un des aspects qui conduit à des contresens graves vis-à-vis de cette thèse. En effet, l’ordolibéralisme renie le fameux principe du “laisser faire, laisser passer”, énoncé par le libéralisme classique (théorie du ruissellement), ce qui peut faire penser qu’il peut y avoir intervention de l’Etat. Pourtant, Michel Foucault dans son cours sur la naissance de la biopolitique, évoquait, à propos de l’ordolibéralisme, une véritable phobie de l’Etat, qui, selon cette théorie, aurait une propension naturelle à accroître son ascendant sur la société, jusqu’au totalitarisme. Phobie qui fait dire ironiquement à l’économiste ordolibéral Bilger qu’il faut s’opposer au “laisser faire de l’Etat”. De son côté, Frédéric Lordon (économiste, Directeur de recherche au CNRS), dénonçant l’influence des ordolibéraux au sein de l’Union Européenne, parle de leur haine de l’Etat.
Pourquoi ces visions contradictoires concernant le rapport à l’Etat de cette thèse ?
Cela tient essentiellement à l’erreur qui consiste à voir l’ordolibéralisme comme un système hybride ou une synthèse du libéralisme et de la social-démocratie, alors qu’il se démarque fondamentalement du libéralisme classique et s’oppose radicalement au socialisme et à toutes les formes d’intervention économique et sociale de l’Etat. Pour les libéraux classiques, le marché est une donnée naturelle, ainsi Adam Smith énonçait que dans toute société humaine il y a une tendance naturelle (instinct) au “trafic” (échange marchand).
Il faut donc laisser s’exprimer librement cet instinct et aucune instance corporatiste autocratique ou politique templière, ne doit entraver cette liberté. Cependant, pour ce classique, le marché ne peut pas valablement recouvrir toutes les activités humaines ; les grandes infrastructures, les services d’intérêt général comme la santé, l’enseignement ou le régalien, par exemple, échappent aux lois du marché. Les ordolibéraux contestent les deux aspects de cette vision. Pour eux, l’échange marchand concurrentiel est la forme universelle des rapports humains dans tous les domaines.
Mais, l’échange marchand n’est pas naturel, c’est un idéal qu’il faut vouloir, instituer et protéger. D’où la nécessité d’une autorité supérieure qui énonce les principes, fixe les cadres juridiques, sanctionnent tout manquement aux règles et combat, voire réduit au silence, toute pensée contraire aux principes de cette thèse, aussi bien le libéralisme classique parce qu’utopique (naturalisme des lois du marché) et immoral (hédonisme individualiste) que le socialisme, ou toute forme d’interventionnisme étatique ; parce qu’inefficace économiquement et attentatoire à la liberté.
L’Etat a donc bien “une position forte” et “intervient dans les décisions économiques pour l'intérêt public et se pose en co-organisateur des politiques sociales et économiques. Mais, pour les ordolibéraux, les concepts d’Etat, d’intérêt public et de co-organisation ont un sens différent, et même fondamentalement opposé, à celui reconnu depuis deux siècles dans les démocraties libérales. Si donc ils se distinguent des libéraux classiques, ils s’opposent encore plus radicalement à la conception sociale-démocratique, et même tout simplement démocratique, de l’Etat. Pour eux, il n’y a pas de sphère politique, la société fonctionne “librement”, le lien social se réalisant selon le principe unique et universel de la concurrence entre individus, communautés et institutions. D’où l’objectif de la privatisation systématique de toutes les activités humaines de quelque nature qu’elles soient. Il n’est donc pas possible de concevoir un quelconque souverain, fut-il populaire, exprimant une volonté commune : d’où l’anti-souverainisme, “l’indépendance” des corps intermédiaires, des instances d’arbitrage et de régulation (Banque centrale, Justice, administrations sociales, etc…) et pour les ordolibéraux l’affiliation des services d’intérêt général aux uniques lois de la concurrence. Dans ces conditions, l’Etat ne peut pas légitimer son autorité au nom d’un souverain, il doit donc être délesté de tous ses attributs de souveraineté et se comporter comme une entreprise parmi d’autres: rentabilité de ses services et interventions limitées au maintien ou rétablissement des règles de concurrence du marché. Et même, son existence n’est qu’une concession provisoire, imposée par l’histoire des démocraties occidentales, jusqu’à ce que soit mis en place et en œuvre un espace socio-économique hors souveraineté nationale.
La “construction” européenne, dont ils sont, depuis l’origine, les initiateurs les plus déterminés, doit répondre à cet objectif.
Quant à la co-organisation, elle fait allusion au système de contractualisation des rapports sociaux mis en place en Allemagne après la 2ème Guerre mondiale, où une cogestion d’inspiration néo-corporatiste assurait la paix sociale tout en permettant un haut niveau de revenu salarial, le tout adossé à un système de protection sociale dont les origines remontent à Bismarck. Mais là encore, il s’agissait d’une situation transitoire dont les ordolibéraux ont profité pour intégrer idéologiquement le monde syndical au capitalisme, et qui, par ailleurs, s’imposait à eux, compte tenu du rapport de force avec un syndicalisme puissant et bien organisé. Enfin, cette situation était supportable grâce à l’exceptionnelle croissance économique de la reconstruction industrielle allemande. Mais, depuis les années 80, à la faveur de la crise et de la mondialisation, le retour à la pureté ordolibérale se traduit par une remise en cause radicale tant du système de protection sociale que de la cogestion syndicale, dans le sens d’une flexibilisation des rapports sociaux et de la réaffirmation du pouvoir non partagé des actionnaires ou ‘’héritiers’’ d’un système féodal ? La construction européenne étant pour eux le moyen habile de se défaire de ce fameux modèle allemand, au sein même de l’économie allemande.
Hans Tietmeyer ne laisse aucun doute sur ce point : « l’économie sociale de marché n’est pas le premier degré de l’Etat Providence », écrit-il. Et pour enfoncer le clou, il ajoute que cette économie sociale de marché n’a jamais été conçue comme une « troisième voie » entre socialisme et capitalisme ou comme une « convergence des systèmes », mais comme une économie de marché perfectionnée et efficace. Le résumé de la doctrine de l’ancien « patron » de la Bundesbank est très explicite : « ce sont justement les institutions du marché, en situation de concurrence, protectrices de la liberté et instigatrices de bien être qui peuvent atteindre la plupart des objectifs sociaux ».
Le progrès social passe par la constitution d’un « capitalisme populaire » reposant sur l’encouragement à la responsabilité individuelle par la constitution de « réserves » et d’un patrimoine personnel obtenus par le travail.
Chritian Laval, docteur en sociologie, membre du GÉODE (Groupe d'étude et d'observation de la démocratie, Paris X Nanterre/CNRS) : ‘’Tietmeyer est un ordolibéral convaincu, ancien Président de la Bundesbank, il fut l’architecte de l’Union monétaire et de l’Euro, dans le but de faire de l’économie allemande, la plus grande puissance financière européenne’’.
« L'avènement de l'Europe libérale de demain risque d'être ébranlé par la formation transmise aujourd'hui aux jeunes Européens dans les écoles et les universités (…). La tâche des universitaires est donc de transmettre, par leur travail, les valeurs fondatrices de la société libre ou, en tous les cas, de combattre les idées qui visent à mettre en péril ce type de société. »
Fritz Bolkenstein.
Dans cette même optique d’une société de marché, il est écrit dans le “Livre Vert ” (Document européen sur les services d’intérêt général):
‘’Néanmoins les fournisseurs de services d’intérêt économique général, y compris les fournisseurs de services internes sont des entreprises et sont dès lors soumis aux règles de concurrence prévues par le traité. Les décisions d’accorder des droits spéciaux ou exclusifs aux fournisseurs de services internes ou de favoriser par d’autres moyens peuvent constituer une violation du traité, malgré la protection partielle offerte par l’article 86’’.
Ce refus de principe (de l’intervention de l’Etat) s’exprime notamment dans les « Lignes directrices communautaires » par lesquelles la Commission rappelle régulièrement ses propres orientations et qui, en l’espèce, répètent depuis plus d’une décennie avec une grande constance le principe dit de «l’investisseur privé» : l’aide d’Etat n’est admissible que si «dans les mêmes circonstances un investisseur privé rationnel dans une économie de marché» aurait pris une semblable décision d’apport financier. L’Etat est toléré…, mais à condition qu’il abdique d’être l’Etat, et qu’il se comporte comme un «agent privé rationnel en économie de marché» !
(Frédéric Lordon CNRS, Bureau d'économie théorique et appliquée) : “L’une des curiosités de la construction européenne est que l’on se réfère de façon valorisée au «modèle allemand», comme capitalisme nationalement organisé alors que cette unification européenne le remet précisément en question ne serait-ce simplement, parce que « le dialogue social européen » est très loin des règles très formalisées et contraignantes de :
« L’action concertée des Etats et, plus encore, par effet redondant, en celle socialement fracturée, des Nations ».
On peut même tenir que le transfert vers le niveau européen, comme vers le niveau infranational, est un moyen pour le patronat allemand de se délester des contraintes de la négociation nationale telles qu’elles ont été fixées dans une phase antérieure du rapport de forces entre patronat et salariés durant laquelle l’intégration dans la compétition mondiale ne fonctionnait pas encore comme levier anti-salarial. Plus encore, l’intégration européenne se faisant de plus en plus par la mise en concurrence des systèmes institutionnels, au nom du principe ravageur de la « reconnaissance mutuelle », c’est l’idée même d’une autonomie de la concertation nationale qui est remise en question par la « dérégulation compétitive ».” (Christian Laval)
Notamment dans l’EU par la compétition inter-nations alléguée par les distorsions de l’impôt, le dumping social et différences de coût du travail. Les bases du système favoriseraient le principe de coordination et la concurrence utile, la formation de monopole serait empêchée… La montée des partis extrêmes fut-elle, hier et aujourd’hui, en Europe, empêchée ?
La base de la pensée de l'économie de marché sociale est la personnalité ; l'homme n'est pas ici seulement considéré comme un individu mais également comme un acteur social - chacun doit assumer sa responsabilité envers lui-même et autrui. L'État ne participe à l'assistance que si l'homme ne peut s'aider lui-même - principe de subsidiarité. Schématiquement : ‘’aides-toi, le ciel t’aidera’’. Conclusion qui, apparemment, reprend synthétiquement les grandes lignes économiques, sociales et philosophiques de l’ordolibéralisme. Apparemment seulement, parce qu’encore une fois l’imprécision conceptuelle offre un discours flou, qui favorise, par naïveté ou malhonnêteté, la confusion des interprétations. Les bases du système sont le principe de coordination et la concurrence. Dès les premiers mots, est évoqué un principe qui réunit deux notions, ‘’coordination’’ et ‘’concurrence’’, parfaitement antinomiques. Ainsi, selon la définition d’Alain Rey (Robert historique de la langue française) la coordination est “ l’agencement des parties d’un tout selon un plan logique pour une fin donnée ”.
On a là résumé tout ce que déteste et condamne les ordolibéraux : l’idée d’un collectif organisé par une planification rationnelle en fonction d’une finalité d’apriori, à laquelle ils opposent une société parcellisée où les divers éléments entrent en concurrence spontanée d’où, a posteriori, naît l’ordre social. La formation de monopole est empêchée. Formulation pour le moins incantatoire.
Car, en effet, en l’absence de toute autorité souveraine, qui pourra empêcher quoi que ce soit. Mais surtout, là encore, on brouille les cartes. Cela sonne comme un slogan anticapitaliste, la lutte contre les “grands monopoles”, clamé naguère par Georges Marchais. Mais, dans un cas, ce qui est pointé c’est le danger que représentent des puissances privées ayant le monopole de secteurs entiers de l’économie, exerçant donc un pouvoir exorbitant sur la société, non seulement sans légitimité ni contrôle démocratique mais selon des motivations d’intérêts particuliers qui ne recouvrent l’intérêt général que par un miraculeux hasard. Alors que pour les ordolibéraux, ce qui est condamné c’est le principe en soi des monopoles, aussi bien privés que publics, et surtout ces derniers. Pour les pères de l’ordolibéralisme, le tissu économique doit être principalement constitué de PME indépendantes. Vision pour le moins utopiste ou hypocrite, tant il est vrai que tout capitalisme évolue inéluctablement vers la concentration économique et financière, et justement sous l’effet même de la concurrence qui pousse à la disparition, l’absorption ou la fusion des concurrents.
Pour ces phobiques de l’Etat, nostalgiques du système féodal, l’obsession est de voir se reproduire le processus de monopolisation du pouvoir de certains monarques (France et Angleterre entre autres) ; féodaux parmi d’autres au départ, qui finissent par devenir souverains, privant les autres de tout pouvoir. L’horreur de l’horreur étant quand, dans le système démocratique, le peuple, nécessairement ignorant et irresponsable, devient souverain et fait supprimer définitivement, par la loi et la réglementation, la liberté seigneuriale… De fait, la société néolibérale actuelle est bien un système féodal où des puissances économiques et financières se partagent, non plus un Royaume ou un Empire, mais la planète, échappant ainsi à toute souveraineté nationale. Selon l’état des rapports de forces entre elles, elles passent des accords de non-agression (situation assimilable à un monopole de fait) ou se font une guerre sans merci, avec des dégâts collatéraux considérables, en termes économique, financier, social et environnemental, le tout dans un climat de crise permanente.
Quant aux fameuses PME, elles se font une concurrence meurtrière pour pouvoir gagner le droit d’être choisies par (soumises à) ces grandes féodalités oligopolistiques, soit comme fournisseurs soit comme sous-traitants. Quant à la fameuse régulation, elle peut être comparée au rôle de l’Eglise d’antan. Celle-ci comptait sur la piété des puissants pour brider leur tendance tyrannique, leur servait de conseil et d’arbitre et, excommuniait exceptionnellement ceux qui mettaient vraiment en péril le système et les principes. Le nouveau clergé technocratique néolibéral ne cesse d’en appeler à la moralisation (!!) des rapports socio-économiques.
Il initie stupidement des instances “indépendantes” de régulation dont l’image médiatique est inversement proportionnelle à leur impuissance d’intervention, enfin, mettent de temps en temps au pilori quelques brebis galeuses, de basse baronnie si possible (l’affaire Kerviel en est une caricature). Quand le désordre est trop grand, on rackette le contribuable, après avoir diminué les rendements des comptes épargne, ‘’filouté’’ les contrats des assurés(es), et ruiner le petit boursicoteur (Ex : Eurotunnel), afin de renflouer les puissances féodales, considérées comme les piliers de l’édifice social et les créateurs de richesses économiques. Et, encore une fois pour semer le trouble, on laisse croire que cela serait une concession à l’interventionnisme de l’Etat. Suprême habileté: si cela a un effet positif, on s’empressera de “re-libéraliser” le système, au motif qu’on est sorti de la période de turbulence et si cela rate, on pourra confirmer que l’interventionnisme étatique est inefficace, CQFD. Mais quoi qu’il en soit, au-delà du débat idéologique, le principe technique du monopole n’est pas en soi un “péché”.
Entre autres, les secteurs-clés et stratégiques dont dépendent tous les autres secteurs et les services d’intérêt général ont vocation à être monopolistes, échappant aux aléas dangereux de la concurrence, et si possible monopoles publics ou sous contrôle public, pour que les finalités soient bien dans l’intérêt général et non dans l’intérêt des actionnaires. C’est d’ailleurs ce raisonnement, parfaitement neutre idéologiquement, qui conduisit, après la crise de 29 et la 2ème guerre mondiale, de nombreux pays, sans la moindre référence au collectivisme, à nationaliser certains secteurs-clés et à mettre sur pied ou renforcer de grands services publics. La base de la pensée de l'économie de marché sociale est la personnalité ; l'homme n'est pas ici seulement considéré comme un individu mais également comme un acteur social (chacun doit assumer sa responsabilité envers lui-même et autrui). L'État ne participe à l'assistance que si l'homme ne peut s'aider lui-même (principe de subsidiarité).
Ultime conclusion qui résume les bases philosophiques, ou idéologiques, de l’école ordolibérale. Un peu en contradiction tout de même avec l’introduction, qui présentait cette thèse comme une “simple idée, un concept, transposée dans l’économie allemande”. Ce point mériterait une très longue réflexion eu égard à la complexité tenant à la fois aux origines historiques, philosophiques et même théologiques, à la diversité des positions à l’intérieur même de cette école, enfin à la nature de son impact, parfois contradictoire et souvent opaque.
Aussi, “balancer” trois lignes pour en rendre compte participe, une fois de plus, du camouflage manipulatoire. D’autant que, d’un côté sont énoncés des termes à image positive : personnalité, acteur social, responsabilité.
De l’autre, des mots à image négative : individu, sous-entendant l’insécurité de la solitude et l’égoïsme de l’individualisme ; assistance, évoquant l’indignité et la servilité vis-à-vis de l’Etat, grand méchant loup qui, certes, à de grands bras pour mieux nous embrasser, mais aussi de grandes dents pour mieux nous manger. Une telle présentation relève, en effet, du conte pour enfants. Sans doute parce qu’on ne serait pas capable de comprendre une analyse trop savante ; à moins que ce ne soit pour éviter de juger en toute connaissance de cause de la valeur de la thèse, qui permettrait un débat contradictoire, mais jugé inopportun à l’égard d’une vérité transcendante et universelle, donc indiscutable.
Avant de se pencher sur les bases philosophiques de cette idéologie, on peut pointer cette absence de rigueur dans la manipulation des concepts avec la dernière phrase.
L'État ne participe à l'assistance que si l'homme ne peut s'aider lui- même (principe de subsidiarité). Il y est question du principe de subsidiarité, selon lequel l’Etat ne doit intervenir socialement qu’en dernier recours.
L’allusion est claire, il s’agit de condamner tout système public universel de protection sociale. Pour être plus convaincant, on utilise l’expression “assistance” de l’Etat, qui évoque la passivité, l’irresponsabilité et l’indignité, et aussi l’archaïsme de l’assistanat. Habile utilisation de la confusion régulièrement faite entre solidarité et assistance, ou charité. La finalité de la solidarité, par définition, est qu’aucun membre d’une collectivité (nationale par exemple) ne soit exclu, quel que soit le handicap dont il peut être victime (maladie, vieillesse, chômage, etc…), et donc ne doit jamais avoir besoin d’être assisté. La mutualisation des risques sociaux (Sécurité Sociale par ex) et l’offre gratuite de services jugés obligatoires (l’enseignement gratuit par exemple) y répondent parfaitement, par l’intermédiaire de cotisations universelles obligatoires et de la fiscalité. L’absence d’un tel système collectif (principe de mutualisation par le collectivisme) conduit nécessairement certains à être en situation d’exclusion, lorsqu’ils ne peuvent pas faire face, par leurs propres moyens, à une difficulté sociale, ce qui, cette fois, implique l’assistance.
Or, contrairement au sous-entendu évoqué plus haut, la solidarité publique impose la responsabilité (la contribution) et la dignité - en toute situation, on reste membre à part entière de la collectivité, sans subir l’humiliation de la ségrégation (positive ou non) et de la stigmatisation. Inversement, dans le fameux système de subsidiarité, on admet, comme fatale, l’exclusion. La charité privée ou publique, à l’image des anciens ordres mendiants, a alors la charge d’assurer une survie minimum des “pauvres”. A la fois, voile pudique qui adoucit l’image trop crue de la misère, qui répond aux sentiments charitables, et enfin qui prévient la violence sociale d’une population potentiellement dangereuse. Et comme les tenants de ce principe ne souhaitent pas susciter des comportements d’assistés “clandestins”, seuls doivent être aidés ceux qui le méritent vraiment, après enquête, aussi humiliante que stigmatisant. Stigmatisation qui peut susciter la compassion aussi bien que le rejet – voir comment certains médecins reçoivent (ou plutôt ne reçoivent pas) aujourd’hui les “bénéficiaires” de la CMU-.
Bref, l’opposition entre ces deux conceptions peut se résumer ainsi : d’un côté, lutter contre la pauvreté en intervenant directement sur les mécanismes économiques et les structures sociales tout en développant l’esprit de solidarité collective ; de l’autre, aider les plus pauvres, sans entraver la liberté économique ni toucher aux inégalités sociales, considérées comme légitimes dans le jeu naturel de la concurrence. On est évidemment libre de choisir l’une ou l’autre de ces options, encore faut-il les présenter clairement et honnêtement. Pour revenir aux bases philosophiques, non seulement il est impossible de les présenter en quelques formules évasives, mais cela nécessiterait une très longue analyse, à la fois historique, philosophique, mais aussi théologique. Les pros, comme les anti-ordolibéraux s’accordent au moins sur trois points : c’est une pensée spécifiquement allemande, d’inspiration luthéro-catholique, qui se développe pendant la crise économique et politique des années trente.
Les deux premiers points sont d’une extrême importance pour bien comprendre la nature de cette pensée et surtout pour bien mesurer l’enjeu de civilisation que représente sa diffusion et sa mise en œuvre aujourd’hui, entre autres dans le cadre de la construction européenne. Jean-Claude Coiffet propose, en annexe, une étude un peu détaillée de l’évolution historique et idéologique de l’Europe occidentale à partir de la Renaissance, et principalement du schisme religieux, qui rend compte de cette spécificité allemande.
Pour résumer, le schisme religieux de la Renaissance prend un tour particulier en Allemagne et la société qui en a découlé dans la zone germanique de l’Europe a des traits politiques, économiques, sociaux et culturels tout à fait distincts, et même opposés, a ceux des autres pays occidentaux, en particulier la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. L’opposition entre ces deux zones prendra d’ailleurs un tour violent à partir de la fin du XIXème siècle, qui aura son apogée avec la deuxième guerre mondiale. Après sa défaite de 1918, l’Allemagne semble se couler dans le moule des Etats démocratiques libéraux de la zone atlantique. Mais, bien évidemment, la greffe ne prend pas. La République de Weimar est continuellement en crise et contestée. Les années trente sont justement une période cruciale.
Les désordres internes ébranlent définitivement cette République inadaptée et personne n’est près à la défendre, bien au contraire. Par ailleurs, c’est la crise du système économique libéral de type anglo-saxon et c’est le développement du socialisme, symbolisé encore à l’époque par l’URSS. C’est dans ce contexte qu’émerge l’ordolibéralisme, qui se présente comme une refondation du modèle spécifiquement Allemand, en opposition au libéralisme anglo-saxon qui montre sa faillite et du socialisme aux traits centralistes et autoritaires.
Cependant, la gravité de la crise et la violence des désordres favorisent la forme intégriste de cette refondation, le nazisme, qui tire vers un retour extrême et délirant aux fondations de cette spécificité allemande à la fois sur le plan des comportements idéologiques et sur le plan géographique : pangermanisme, rappel de l’Empire Austro-Hongrois, et même, avec les fascismes italien et espagnol, reconstitution de l’Empire Romain germanique d’avant la renaissance et pour l’Allemagne le désistement financier américain, avant 14-18. Mais l’ordolibéralisme, mis sur la touche pendant cette période transitoire, réapparaît dès la fin de la deuxième guerre mondiale, s’installe au sommet de la RFA et en une quinzaine d’année, cette pensée devient le credo universellement reconnu en Allemagne. Mais aussi, dès le début, et progressivement avec plus de netteté, “l’Europe” se construit et évolue sous l’influence de cette pensée, reprenant le vieux rêve de domination continentale face au monde anglo-saxon d’une part et au monde slave d’autre part. Fondés sur l'influence luthéro-catholique d'une économie libérale-sociale et pour partie sur celle du déterminisme (Ricoeur) assujetti à l’herméneutisme protestant (églises luthériennes, réformées, anglicanes, méthodiste, congrégationnistes, etc…). Ses principes (ceux de l’ordolibéralisme) sont diffusés dès les années trente par les Écoles de Fribourg – fondée par Eucken et Röpke, disciples éloignés du pasteur Blumhardt – et de Cologne avec M. Muller-Arnarck. Développé dans les milieux catholiques par le Pr. Nell-Breuning, l'ordolibéralisme défriche « la voie allemande vers le libéralisme». (François-Georges Dreyfus Professeur émérite de l'université Paris IV-Sorbonne Ancien directeur du Centre d'études germaniques de l'université de Strasbourg).
En 1543 Luther avait écrit un traité intitulé “Des juifs et leurs mensonges”, dans lequel on peut lire entre autres « Ils sont remplis d'excréments du diable… dans lesquels ils se vautrent comme des pourceaux. La synagogue est une putain incorrigible et une souillure du diable... Nous sommes fautifs de ne pas les tuer. » Mais surtout il recommande un plan en huit points pour se débarrasser des juifs :
- "Tout d'abord, mettre le feu à leurs synagogues ou écoles et enterrer ou couvrir de saleté tout ce qui ne brûlera pas, de façon que personne ne puisse jamais revoir une de leurs pierres ou leur cendre…."
- "En second, je conseille que leurs maisons soient rasées et détruites. ..."
- "En trois, je conseille que tous leurs livres de prières et écrits talmudiques, qui servent à apprendre une telle idolâtrie, leurs mensonges, leurs malédictions et leurs blasphèmes, leur soient retirés…..."
- "En quatre, je conseille que leurs rabbins aient l'interdiction d'enseigner sous peine de perdre la vie ..."
- "En cinq, je conseille que les sauf-conduits sur les grands chemins soient abolis complètement pour les Juifs..."
- "En six, je conseille que l'usure leur soit interdite, et que toutes les liquidités et trésors d'or et d'argent leur soient confisqués…de tel argent ne doit pas être utilisé…de la [manière] suivante… Si un Juif se convertit sincèrement, on doit lui remettre [une certaine somme]..."
- "En sept, je recommande que l'on mette un fléau, une hache, une houe, une pelle, une quenouille ou un fuseau entre les mains des jeunes et forts Juifs ou Juives et qu'on les laisse gagner leur pain à la sueur de leur front. Car ce n'est pas juste qu'ils doivent nous laisser trimer à la sueur de nos faces, nous les damnés Goyim, tandis qu'eux, le peuple élu, passent leur temps à fainéanter devant leur poêle, faisant bombance et pétant, et en plus de tout cela, faisant des fanfaronnades blasphématoires de leur seigneurie contre les Chrétiens, à l'aide de notre sueur. Non, nous devons d’expulser ces fripons paresseux par le fond de leur pantalon."
- "Si nous voulons laver nos mains du blasphème des Juifs et ne pas partager leur culpabilité, nous devons nous séparer d'eux. Ils doivent être conduits hors de notre pays" et "nous devons les conduire comme des chiens enragés".
“Dès 1949, la démocratie chrétienne adhère au programme ordolibéral. Ce sont les « Articles de Düsseldorf » qui l’emportent sur le programme plus social d’Ahlen. Les démocrates-chrétiens étaient partagés entre deux références, le christianisme social qui a inspiré le Programme d’Ahlen de 1947, et les directives de Düsseldorf plus libérales. C’est la seconde orientation qui l’a emportée politiquement. (…)
Le SPD fera sa conversion officielle à l’économie de marché exactement dix ans plus tard, en 1959 au Congrès de Bad-Godesberg. S’il parle d’économie de marché « dirigée », le parti social-démocrate se ralliera vite à l’expression consacrée. Le petit parti libéral mais aussi les Verts participeront plus tard à ce consensus, moyennant quelques aménagements. Tous les partis de gouvernement se réclament donc de la doctrine, mais c’est aussi le cas des syndicats. Le DGB en 1964 déclare son adhésion à l’économie de marché. En 20 ans, l’ordolibéralisme est devenu un « credo national », selon François Bilger.” . La base de la pensée de l'économie de marché sociale est la personnalité ; l'homme n'est pas ici seulement considéré comme un individu mais également comme un acteur social (chacun doit assumer sa responsabilité envers lui-même et autrui.
(Christian Laval)
C’est encore une manifestation de l’ambiguïté de la pensée ordolibérale, mais aussi de son insertion dans le mouvement des idées religieuses. Cette phrase fait évidemment référence au “Personnalisme”. Ecole de pensée fondée par des intellectuels catholiques, principalement en France, autour de certaines revues telles “Ordre nouveau” et “Esprit”, dominée par la forte personnalité d’Emmanuel Mounier.
Même période (fin des années 20, début des années 30). Même refus de l’individualisme égoïste et hédoniste d’une part, et du collectivisme autoritaire d’autre part.
Même critique du centralisme et valorisation d’un certain corporatisme et communautarisme.
Même critique de la modernité et même volonté de faire face à “la crise de l’homme du XX° siècle”. Mais on peut voir, encore une fois, comment des bases idéologiques apparemment identiques se traduisent par des positionnements différents, paradoxaux, voire opposés, dans ce qu’on a appelé plus haut la zone libérale atlantique (la France ici) et la zone germanique. Ainsi pour le personnalisme français, la condamnation de l’égoïsme utilitariste individuel ne remet pas en cause l’autonomie de l’individu et sa totale liberté de conscience (voir, ou plutôt lire, le philosophe Jean Lacroix, ami de Mounier et collaborateur d’Esprit). Le rejet du collectivisme autoritaire ne détourne pas de l’action sociale militante pour lutter contre l’injustice et l’aliénation inhérentes au capitalisme. Enfin le rapport de la personne au social n’est pas une simple attitude de charité, “subsidiaire” à une auto-sécurité, mais bien une insertion dans une réalité sociale solidaire, ce qui place le Personnalisme français dans la tradition du christianisme social. En opposition avec la pensée ordolibérale allemande sur tous ces points, comme on l’a précédemment développé, qui elle s’inscrit dans la tradition conservatrice de la démocratie chrétienne.
Cependant l’ambiguïté est toujours présente des origines à nos jours. Ainsi, au cours de la 2ème guerre, une partie de l’école personnaliste (y compris Mounier au début) a rejoint Pétain, séduite, entre autres, par la référence catholique, le corporatisme et le communautarisme de Vichy. Alors qu’une autre partie (y compris Mounier à partir de 41) s’engage dans la résistance et joue un rôle déterminant dans l’élaboration du programme du CNR (Conseil National de la Résistance), aux couleurs socialisantes (modèle social que les ordolibéraux veulent justement effacer aujourd’hui). Après la guerre, le mouvement autour de la revue “Esprit” est nettement engagé à gauche, au point qu’il est présenté par certains, accusé par d’autres, comme étant compagnon de route du PC.
Mais, à la même époque une partie des Chrétiens, issus de la résistance, s’inscrit dans un centre plutôt conservateur (le MRP entre autres). Enfin, la construction européenne est portée sur les fonts baptismaux par tous les partis chrétiens démocrates européens, et principalement la CDU. Certains chrétiens français issus du personnalisme, tel Delors pour n’en citer qu’un, deviennent des européistes convaincus, adeptes de “la sociale économie de marché”, alors que la Revue Esprit se montre critique, en particulier du fait de la nature ordolibérale et antisociale de cette construction ; position qui conduisit par exemple Paul Thibaud, directeur actuel de la revue, à appeler à voter non au dernier référendum européen. La crise actuelle, quelles que soient évidemment les différences, nous ramène aux années 30, et peut-être même à l’époque de la Renaissance, tant il apparaît qu’il s’agit plus d’une crise civilisationnelle que d’une crise strictement économique.
C’est encore le libéralisme anglo-saxon qui est au cœur de la crise ; des tendances d’extrême droite se manifestent un peu partout en Europe ; la Russie redevient une sorte d’ennemi potentiel et enfin l’Occident est de nouveau en face de la menace d’un expansionnisme islamiste qui vient le frapper au cœur. L’ordolibéralisme peut-il, une fois de plus, se présenter comme l’alternative vraiment européenne… ???
D’autant que les anti-libéraux mettent tous les libéralismes dans le même sac et focalisent principalement leur critique vers le monde anglo-saxon. Dans un souci d’éclairage théorique et non de polémique rétrospective imbécile, on peut rappeler qu’un certain anticapitalisme myope a conduit le PC, jusqu’en 41, à dénoncer l’impérialisme belliciste anglais et à appeler à la fraternisation avec les ouvriers-soldats allemands, considérés comme des victimes innocentes du nazisme.
Il est donc plus important que jamais de ne pas se laisser abuser par des ambiguïtés conceptuelles dont les conséquences peuvent être graves et difficilement réparables.
C’est le sens et la motivation de cette très longue analyse de texte, bien évidemment discutable, puisqu’elle manifeste justement un refus d’adhérer (mais aussi de rejeter) à une pensée SANS DISCUTER. C’est peut-être, la manifestation de mon appartenance à une des zones idéologiques évoquées dans ce texte. En bon Français, face à une affirmation simple et évidente, j’ai eu le réflexe de Cyrano lorsque qu’on lui dit, avec le même souci de simple évidence, qu’il a un grand nez, et qu’il répond :
“Ah ! Non ! C’est un peu court jeune homme ! On pouvait dire… Bien des choses en somme…
En variant le ton, par exemple tenez : […’’Existentialisme théologique et matérialisme corporatiste sont toujours incompréhension idéologique déficiente et antihumaniste’’…
19: L'ensemble de ces réflexions peut être interprété de la manière suivante : dans la circulation des flux monétaires, la rationalité individuelle n'oppose aucun obstacle à la reproduction des conditions établies. Elle en est même le support essentiel. Mais la thésaurisation modifie cet état des choses. Elle exprime la possibilité de revendications individuelles, idiosyncrasiques, violant le caractère systémique de la circulation. On peut également décrire ce basculement par le fait que, dans la thésaurisation, la monnaie cesse de n'être qu'un moyen neutre pour être recherchée le temps d’une devise, ou en tant que finalité d’une symbolique individualiste où le but en est trop souvent l’assouvissement des intérêts économico-culturels corporatistes ou sectaires. Cette apparition de la monnaie réelle perturbe l'harmonie des relations marchandes… Et échangistes… Comment comprendre une telle dynamique ?
Il nous semble que K. Marx ne réussit pas à développer pleinement cette analyse. En particulier, la nature de la puissance que procure la monnaie et, conséquemment, les raisons qui poussent les agents à être des thésauriseurs restent floues.
C'est J. M. Keynes qui va nous permettre de préciser ces comportements et leur signification. Dans la théorie keynésienne, la demande de thésaurisation est étroitement liée à une conception très particulière de la temporalité marchande :
« Notre désir de détenir de la monnaie comme réserve de valeur est une mesure du degré de défiance que nous éprouvons vis-à-vis de nos propres calculs et conventions concernant le futur [...] La possession de monnaie apaise notre inquiétude. »
Les réflexions précédentes, concernant le motif de transaction, avaient également mis en avant le rôle essentiel joué par l'incertitude dans la formalisation de la demande de moyens de transaction. Mais l'imprévisibilité, que considère J. M. Keynes, est d'une nature différente de celle analysée par D. Patinkin. Il s'agit d'une imprévisibilité qui dépasse la seule incertitude sur l'échelonnement des paiements futurs. Dans le monde keynésien, l'avenir n'est qu'un ensemble de virtualités plus ou moins plausibles, dont l'actualisation dépend des actions humaines dans le système sociétal régi par lois et règles. Si, aujourd'hui, dominent un certain nombre de conventions qui donnent sens aux décisions individuelles, demain tout dépend de la manière dont ces représentations vont se modifier. Conformément aux idées de G. S. Shackle, l'incertitude est épistémique. Et elle est certainement fonction de l'évolution des connaissances et savoirs… Il s'ensuit que chacun est en droit, et cela de manière tout à fait rationnelle, de mettre en doute la pertinence des croyances et prosélytismes qui depuis longtemps, gouvernent les activités économiques, sociales, politiques, culturelles et cultuelles.
C'est l'existence d'une faillibilité consubstantielle à la connaissance humaine, qui est reconnue dans cette incertitude. Dans un texte antérieur, nous avons souligné les liens existants entre cette approche et la conception poppérienne du savoir scientifique : i.e. ‘’l’épistémologie’’.
20: Ce doute systématique, plus ou moins larvé selon les personnes, s'exprime sous la forme d'un désengagement, d'un retrait de la circulation. Lorsque, pour des raisons quelconques, cette défiance potentielle augmente, elle pousse les agents à se désengager des activités risquées, à vendre leurs actifs, réels ou financiers, pour acquérir de la monnaie ; ce qui, en termes keynésiens, se nomme une course à la liquidité. Le sujet, grâce à la détention d'argent, échappe à toute décision impliquant une activité manuelle concrète réalisable, ET/OU intellectuelle conceptualisable. Il appréhende le monde comme un ensemble de virtualités entre lesquelles il n'a pas à choisir. Le thésauriseur se trouve dans une situation d'attente totale, de hors-jeu, de repli sur soi. La détention d'argent lui assure une flexibilité parfaite de sa position. Elle lui permet de s'adapter à toutes les situations futures. G. S. Shackle ne dit pas autre chose quand il indique :
« Une économie monétaire est une économie où est reconnue l'insuffisance permanente des données permettant un choix rationnel. Car la monnaie est le moyen grâce auquel la décision peut être reportée jusqu'à l'obtention d'une meilleure information ». Cela laisse apparaitre la fonction sécuritaire de la monnaie quant à l’incertitude des évènements futurs… Pour soi et autres.
21: Soulignons le caractère particulier d'une telle attitude. Dans la thésaurisation, le doute apparaît dans toute sa plénitude : il s'y exprime comme pure critique des valeurs et croyances existantes sans nécessité de proposer des hypothèses alternatives. Cette attitude exprime de la manière la plus adéquate les valeurs individualistes au regard desquelles est rationnel l'individu qui met en doute les croyances collectives, en et par le ressentiment idéique ou inique quant à leurs inutilités à être de meilleurs vecteurs socio-économico-culturels que la détention individualiste de monnaie ou de biens permettrait ? Comme l'écrit R. Bouveresse, « La prise de conscience de la faillibilité est l'acte de naissance de l'homme rationnel ».
22: Comme tous symbolismes, la monnaie, en tant que moyen de réserve, est l'instrument pratique de la société politico-économique, contre les incertitudes et errances existentialistes ou désir intrinsèque d’accaparement et de possession matérialiste, désolidarisé de la communauté de bien(s) et services, et du bien commun…C'est la détention totalitariste privée de monnaie qui permet aux individus d'exprimer leurs doutes, voire ignorances, quant à la justesse des convoitions et convictions de prévalences du système sociologique et géo-communautaire, où eux-mêmes peuvent résider territorialement, ou non.
C'est donc dans l'apparition de la monnaie comme moyen de réserve, autrement dit dans la rupture de la circularité, que se concentrent la spécificité, voire la formalisation des valeurs individualistes intrinsèques.
L’imaginaire collectif en est l’antidote…
Nous aurons à revenir sur cette hypothèse dans notre analyse des monnaies primitives. Notons que la monnaie comme moyen de réserve met en scène une situation fortement paradoxale: ‘’La thésaurisation suppose une confiance dans le signe monétaire conjuguée à une défiance envers les activités concrètes qui pourtant en sont la garantie ultime !’’…
En effet, que pourrait valoir la monnaie si chacun, abandonnant toute activité productive, ne faisait plus que thésauriser ?
Cela pourrait s’apparenter à un enfermement physique, psychologique et intellectuel des échangistes, où la plus mauvaise porte d’entrée sociologique serait celle de ne plus pouvoir imaginer que la thésaurisation rationnelle, en tant que fonction quadratique des activités naturelles du vivant, de la pensée épistémologique, des technologies et de la matérialité ontologique par leurs fonctions établies dans et par l’échange sectorisé des biens et services additionnés, ne serait pas le produit d’une valorisation collective dans l’esprit de la société commerciale marchande… ???
Mais uniquement individualiste à singularité dirigiste envers les corporatismes sociaux-économiques dissidents… ???
C’est ce qui se passe à l’heure actuelle, notamment au sein de certaines communautés, telle celle de l’UE, et constatée divisionnaire par l’augmentation des nationalistes absolutistes et par l’enfermement psychologique et physiologique agrémenté de l’inaccessibilité à thésaurisation de l’impossible jeu individualiste dans les mondes de la mobilité ‘’virtuelle’’ et physique, où la valeur ajoutée en ces cas, sera à terme, les inaptitudes à valoriser les évolutions scientifiques, technologiques, géopolitiques, sociologiques et culturelles, par aucun langage propre aux thèmes épistémologiques, ontologiques, logiques, éthiques, et identitaires, avec particularité à ce que la notion d’être humain pensant ‘’l’universalité’’, devienne proche d’aucune aptitude connue, à le considérer de la sorte… Et ce qui se trouve porter à son paroxysme dans la thésaurisation, c'est le fait que la croyance collective dans la pérennité de l'argent puisse exister de manière totalement autonome. Alors que cette fantasmagorie monétaire est fortement induite par les comportements, les actions et les assiduités partiellement concentrés dans l’espace communautaire et la collectivité…
Cette capacité de la monnaie à exprimer la confiance dans l'ordre monétaire au-delà même des conditions réelles de son existence est ce que nous appellerons la légitimité.
La légitimité est ce qui autorise l'activité critique.
Elle atténue les pressions au conformisme ; elle diminue l'empire des contraintes affiliées au productivisme béat…
Elle fait émerger une représentation du temps telle que le futur s'y lit comme ensemble de virtualités et d'innovations.
Jusqu'à quel point cette institution sociale est-elle compatible avec une pleine conscience des opérateurs ?
Telle est la forme que prend la question monétaire, en la ‘’spécularité’’ et le ‘’sens commun’’. Pour répondre à cette question, il faut partir de l'analyse des comportements individuels qui sont à la base de la thésaurisation. L'idée générale est la suivante : Un individu ne décidera de détenir de la monnaie, pour se prémunir contre les errements de la chance, que s'il est assuré que sera préservée la capacité d'achat ‘’affichée’’ par cette monnaie. Il doit donc répondre auparavant à la question centrale : ‘’Quelle sera la valeur demain de cette monnaie que je thésaurise aujourd'hui ?’’… Dans la mesure où la valeur de la monnaie ne fait qu'exprimer sa capacité à se procurer des marchandises, cette valeur dépend du niveau général des prix, abouté aux désirs individuels et instincts personnels quant à l’emploi de monnaies.
Plus précisément, si on note Pt, le niveau général des prix à l'instant t, et si Mt désigne la quantité nominale de monnaie que détient l'individu à l'instant t, la valeur réelle de la monnaie en t + 1… i.e. la quantité de biens qu'elle permettra d'acquérir à cette période, est égale à Mt/Pt+1. En période fortement inflationniste, c'est-à-dire lorsque Pt+1est très supérieur à Pt, la détention d'encaisses est coûteuse puisque l'inflation en fait décroître la valeur réelle : pour la même quantité nominale de monnaie, la quantité des biens que l'on peut acquérir diminue fortement. Cette situation peut engendrer une fuite devant la monnaie et une recherche des marchandises réelles….
En tant qu’« Objet-Sujet » sécuritaire contre les errements et l’incertitude.
Ce qui apparaît dans ces réflexions est le fait que le comportement de réserve dépend étroitement de l'anticipation que fait l'agent sur le niveau des prix de la période suivante. Mais dès lors que ce prix, Pt+1, dépend des comportements des agents en t + 1, puisqu'il répond à l'évidence de leur comportement de demande, il est le résultat de l'anticipation que feront, en t + 1, ces agents sur le niveau des prix en t + 2. Il est clair que le raisonnement ne s'arrête pas à t + 1, mais continue jusqu'à l'infini, dans l’espace ‘’tempo-réel’’. La détention de monnaie à l'instant t dépend d'une chaîne infinie d'anticipations sur les anticipations des mêmes agents aux périodes suivantes. Comprendre quelle est la valeur de la monnaie à l'instant présent impose de résoudre ce problème. C’est le phénomène de la spéculation, ou prévision des potentialités économiques et politiques monétaires, dans le temps… Notons que nous avons déjà rencontré un problème similaire dès l'introduction, lorsque nous avons vu que l'acceptation par un agent ‘’i’’ d'un signe sans valeur, la monnaie, en contrepartie d'une marchandise, dépend de l'anticipation qu'il fait sur l'acceptation future par l'agent ‘’j’’ de ce même signe. Mais dans la mesure où l'acceptation par l'agent ‘’j’’ dépend, à son tour, de son anticipation sur l'acceptation par un nouvel agent ‘’k’’, nous sommes confrontés au même réseau infini d'anticipations croisées.
Nous appellerons «spécularité» ce comportement d'anticipations réciproques de tous les agents vis-à-vis des autres. On démontre ainsi, comme nous en avions exprimé préalablement l'intuition, que la question de la monnaie réelle, ce qu'on a appelé la légitimité de la monnaie, et celle que pose l'acceptation par tous du signe monétaire sont une même question. Toutes deux mettent en scène une forme particulière d'intersubjectivité, la spécularité. La théorie monétaire récente s'est intéressée de près à cette question grâce à un type de modèles particuliers, les modèles à générations imbriquées.
Ces modèles ont été construits pour rendre compte de la possibilité d'existence de la fiât monnaie, c'est-à-dire une monnaie qui, contrairement aux thèses défendues par D. Patinkin, n'a aucune utilité directe, comme celle qui se déduit de sa capacité à satisfaire le motif de transaction.
Ces modèles ont la structure suivante.
A chaque date t, on connaît deux catégories d'agents : les jeunes, j(t), et les vieux, v(t). A la date suivante, t + 1, les jeunes sont devenus vieux, v(t + 1) ; les vieux v(t) ont disparu et une nouvelle génération de jeunes, j(t + 1), est apparue. Il n'y a dans cette économie qu'un seul bien, (q), qui, étant non stockable, ne peut se transmettre d'une période à l'autre. Le problème est alors le suivant : ‘’Supposant que les vieux ne peuvent plus travailler, comment les jeunes peuvent-ils réaliser leur désir de transmettre une partie de leur richesse de façon à pouvoir acquérir, étant vieux, les biens dont ils ont besoin pour vivre ???’’…
Nous pouvons dans un tel système percevoir un transfert de richesses par vectorisation népotique, un choix particulier ou une redistribution sociale érigée par droit législatif…
Considérons par conséquent le modèle sociétal, comme le résultat du produit scalaire Social-Economique de tous âges, toutes activités et toutes actions échangistes tel ; SE = ||ET/SM||, soit : ||ECONOMIE + TRAVAIL / SOCIAL + MONNAIE|| …
Si le rapport ET = 2 et SM = 2… Alors SE = 1
Croissant si ET augmente, et décroissant si SM augmente…
Et pour un taux de croissance prévisionnel fixé à 2%, un rapport Social-Economique (SE) estimé à : 1,02 - Si SM stable…
Si cette question est délicate, c'est que, conformément à notre exposé introductif, il n'existe pas de relations contractuelles qui permettent de réaliser ce désir. En effet, si les jeunes (et producteurs de biens et services) sont disposés à échanger une partie de leur production courante contre des créances qu'ils renégocieraient à la période future pour acheter une partie de la production des j(t + 1), aucun agent n'est susceptible d'émettre une telle créance. (Hors assurance vie, caisses de retraites, mutualisations sociales, fonds de pensions ou avoir réussi à amasser suffisamment de biens ‘’sécuritaires’’ pour sa famille, ses proches et autres ‘’entités’’ aimées… ?). En effet, la seule catégorie envisageable est celle des vieux, mais, disparaissant en t + 1, elle ne saurait constituer la classe débitrice. La monnaie permet de surmonter cette déficience des relations contractuelles privées. Pour le montrer, supposons que les vieux de la période t, v(t), possèdent une quantité m de monnaie. Soit q(t) la quantité produite par les jeunes j(t) et soit c(t) leur consommation. Les jeunes désirent alors échanger q(t) - c(t) contre la monnaie ‘’m’’ détenue par les vieux. Dans un tel schéma, il apparaît clairement que la monnaie n'est pas un contrat privé. En effet, l'acquisition par les jeunes de la monnaie ‘’m’’ n'implique aucune obligation de la part de qui que ce soit. Cette détention de monnaie ne reflète que l'anticipation par les membres de j(t) du fait que les j(t + 1), à leur tour, accepteront d'échanger leur surplus contre ‘’m’’. En aucun cas, elle ne résulte d'une quelconque obligation que les jeunes j(t + 1) auraient contractée envers les jeunes j(t). L'acceptation par les jeunes j(t) de la monnaie ‘’m’’ détenue par les v(t) répond à une logique spéculaire, sur leur propre avenir.
Elle concentre une chaîne de croyances sur le comportement des générations à venir.
Cette chaîne de croyances, qui constitue la ‘’spécularité’’, excède assurément le cadre des relations pragmatiques interindividuelles. Pour reprendre les termes de notre introduction, ce qui s'y trouve exprimé, c'est la présence d'une entité très particulière, la société marchande en tant que telle, comme fondant une durée collective qui transcende l'ensemble des destins particuliers dans l’espace socio-politico-économico-culturel… Mais qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Sachant que depuis la fin du XXème siècle quatre générations coexistent. (0 à 25 ans, 25 à 45, 45 à 65, plus de 65 ans) et la complexité à déterminer un âge de mise en ‘’retraite’’ décent. Les décennies suivantes le nombre sera de cinq de par l’allongement de la durée de vie et la définition de retraite… Comment s'exprime l'intersubjectivité spéculaire ?
Pour répondre à ces questions, l'analyse des résultats tirés du modèle est intéressante, notamment par l’étude philosophique, éthique, épistémologique, ontologique et la chronologie historique, même si, comme nous y reviendrons, elle laisse nombre de problèmes en suspens. Le résultat fondamental est qu'effectivement ce type de modèle admet des équilibres monétaires, pour une large gamme de conditions initiales. Un équilibre monétaire est une situation où la monnaie est effectivement acceptée par les protagonistes, ce qui, techniquement, s'exprime dans le fait que le prix de la monnaie est strictement positif. Dans un équilibre non monétaire ou autarcique, le prix de la monnaie est nul. Mais, plus fondamentale encore pour notre propos, est l'existence d'un type d'équilibres très particuliers, ce qu'on appelle les équilibres de taches solaires.
Considérons la théorie T selon laquelle il existe une dépendance fonctionnelle entre le prix de la monnaie ‘’p’’, et une certaine variable aléatoire, α, de telle manière que l'on puisse écrire p=T(α). Par exemple, s'il y a des taches solaires, le prix vaut p1, dans le cas contraire il vaut p2. Selon la conception jusque-là dominante en économie, si la variable α est « extrinsèque », autrement dit si elle n'apparaît pas dans les équations d'offre et de demande, elle ne saurait avoir d'effet durable sur le niveau des prix. La théorie associée est également qualifiée d'extrinsèque. Or, ce que décrivent les équilibres de taches solaires, c'est l'existence de nombreuses théories extrinsèques qui se trouvent effectivement vérifiées dès lors que l'ensemble des agents croit en leur pertinence. Il y a autoréalisation des croyances en ce que, dès lors que les agents les font leurs, ces croyances se trouvent corroborées par le jeu des échanges marchands : les prix peuvent dépendre des taches solaires même si les taches solaires n'affectent en aucune façon les variables fondamentales de l'économie.
La croyance unanime en cette théorie suffit à l'auto-valider.
La raison d'une telle configuration est liée à la structure même de la spécularité qui fait dépendre la validité d'une croyance de la croyance d'un autre agent, ou ensemble de covalences, de telle manière qu'on peut concevoir qu'il y ait des croyances qui, si elles sont partagées par tous, ou nombre suffisant à indexer cette conviction, satisfont aux contraintes qu'impose la dynamique spéculaire. C'est ce que prouve rigoureusement la théorie des équilibres de taches solaires. Ces résultats nous informent beaucoup sur la nature de l'intersubjectivité spéculaire. Ils nous disent qu'un des modes d'expression de la spécularité consiste en l'extériorisation d'une variable, celle qu'on a appelé α, a priori largement indéterminée, qui est telle que la croyance unanime en sa pertinence s'auto-valide. Nous avons là, affaire à un processus du type : « Prophétie auto-réalisatrice ».
On peut penser que la convergence des représentations individuelles sur une même croyance est le mode « normal » d'expression de la spécularité. On y voit la communauté s'y mettre à distance d'elle-même sous la forme d'un objet extérieur, la variable α. Cette variable exprime l'état des croyances de la communauté considérée, ce qu'on peut également appeler le sens commun. Elle apparaît sur le mode de l'évidence. Cette extériorisation conduit à une modalité d'expression de la spécularité particulière puisque l'anticipation du comportement d'autrui s'y confond avec la simple anticipation de la variable en question. L'intersubjectivité n'y prend plus la forme d'un questionnement sur l'autre. Le savoir commun de la représentation T(α), l'adhésion de chacun(e) à cette théorie, absorbe les interrogations sur le comportement des autres : une fois acquise cette croyance commune, seule importe la valeur effective de cette variable. Comme l'explique J.-P. Dupuy, la spécularité infinie se confond avec une spécularité nulle se greffant sur l'émergence d'un objet (symbole) reconnu par tous.
23: L'extériorisation de α sur le mode de l'évidence propre au sens commun est exactement ce que nous avons appelé légitimité, à savoir la stratégie sociale, collective et communautaire qui autonomise la croyance en la déplaçant sur un objet extérieur à elle-même et qui pourtant l'exprime.
Telle est la théorie de la légitimité monétaire qui émerge. Ses moments constitutifs en sont l'unanimité, l'auto-validation, l'indétermination et l'extériorisation. Pour le ‘’sujet-objet’’ qui l'extériorise, la confiance dans la monnaie, ou tout autre devise, apparaît comme réifiée et autonomisée par rapport aux volontés individuelles. Tout se passe comme si la qualité monétaire était une donnée s'imposant à tous. Mais cette représentation elle-même est une création du processus spéculaire. Ainsi se déploie pleinement cette autonomie paradoxale qu'acquiert, dans le phénomène de légitimité, la monnaie, tel un pilastre échangiste.
Légitimité et opacité sociale
Cette théorie laisse de nombreux points dans l'ombre, tout particulièrement quant au processus conduisant à l'émergence effective de l'unanimité sur une théorie et au processus qui transforme cette unanimité en évidence relevant du sens et du bien commun, ce qu'on a appelé l'extériorisation. Or ce dernier point est fondamental. En effet, l'analyse des mouvements spéculatifs, tels que les connaissent les marchés financiers ou les marchés des changes, montre pleinement qu'une croyance collective peut facilement se déliter si elle n'est ancrée que sur des calculs et autres algorithmes informatiques. Autrement dit, l'attitude calculatrice, qui conduit chaque individu à choisir un moyen de réserve en fonction d'une anticipation sur les croyances des autres, peut certes conduire à une unanimité sur un certain signe, mais cette unanimité contingente est-elle stable? Et est-elle adaptée à la symbolique communautaire ?
Comme on vient de le voir, le modèle à générations démontre que l'objet sur lequel l'unanimité se porte a un caractère conventionnel : le moyen de réserve est indéterminé et il existe une multitude d'objets qui permettent les transferts de valeur. Aussi, au regard de cette théorie, toute croyance qui penserait l'élection de l'objet considéré comme l'effet de ses qualités intrinsèques relèverait de l'illusion. Etre dans une pure logique du calcul c'est donc reconnaître la pleine conventionalité des objets élus, sans analyse particulière, autre que celle thésaurisée par la valeur mathématique de l’objet ou de l’ensemble (E) validé par la somme des objets matériels et sujets virtuels, et inversement ; symboliquement reconnus comme seul pouvoir capital ostracisé dans l’activité économico-financière, et uniquement celui-là. L’effet holistique du système collectiviste humain se veut en cette contingence économique, sociale et politique intrinsèquement obérer.
La question qui est alors posée est de déterminer l’effet en retour de ce savoir sur la stabilité de la convention. Ce point est central.
Selon la réponse qu'on lui apporte, ce sont deux perspectives d'analyse divergentes qui s'ouvrent à nous. Si on pense que oui, alors il est possible de concevoir la légitimité monétaire sur un mode qui ne laisse aucune prise à la méconnaissance. Les agents acceptent le signe existant, parce qu'ils savent qu'un autre aurait exactement les mêmes propriétés. Certes, l'apparition d'un signe monétaire particulier est le produit de l'évolution historique qui échappe partiellement aux individus, mais cette indétermination n'a pas d'effet sur les conduites individuelles. Dans un tel contexte, la perception cognitive des agents est conforme au processus réel qui est à la base de l'émergence de la monnaie. Il y a transparence sociale.
La culture ‘’sécuritielle’’ est-elle devenue l’endomorphisme du système social-économique ?
A contrario, notre thèse est que ce savoir est destructeur parce qu'il jette le doute sur tout objet qui prétend à la fonction de réserve et qu'en raison même de sa logique spéculaire la dynamique du soupçon peut dégénérer facilement en un processus cumulatif et auto-validant de destruction que l’unanimité a établi sur l’objet à fonction spéculaire. A tout moment du processus, chaque individu peut s'emparer du caractère conventionnel du signe monétaire pour en contester les jugements. Il interprétera les difficultés qu'il rencontre comme l'effet d'une inadéquation des conditions monétaires utiles à complémentarité. Pour ces raisons, la stabilité nécessite une certaine méconnaissance s'exprimant sous la forme d'une « matérialisation » de la croyance individuelle, communautaire ou collectiviste…
Le processus d'extériorisation par lequel l'unanimité s'affirme comme légitime ne peut se déconstruire ou s’étayer sur la base des seuls calculs rationnels; ceux-ci ne permettent pas l'émergence de cette convention, même s’ils la soupçonnent. Il y a un nécessaire écart entre le modèle formel et les croyances.
Même si les agents sont persuadés de la nécessité du recours à une certaine conventionnalité des règles pour résoudre leurs problèmes de coordination, la perception théorique de cette nécessité ne suffit pas à fonder la stabilité d'une institution particulière. Cet écart qui fait obstacle au projet de transparence individualiste est précisément ce qui est au cœur de la légitimité mathématique et socialement comptable. La légitimité, en tant qu'elle mobilise nécessairement une certaine incompréhension du propre processus qui l'engendre, oppose aux individus une certaine opacité. Cette opacité est grâce à quoi la société se constitue comme totalité partiellement déconnectée des volontés individuelles. Aussi est-elle contemporaine d'un mode de relation aux formes sociales irréductibles aux calculs : elle repose sur une certaine suspension du regard critique. Il nous semble que c'est précisément dans ce qu'on appelle la liquidité ou flux qu'apparaît ce qui échappe aux calculs individuels, comme la condition même de possibilité de ces calculs et ajustements propres aux comportements induits par fonctions mobilisatrices dans, pour et avec les écosystèmes, biosystèmes et tous systèmes sociétaux ; économiques, politiques et culturels
24: Mary Douglas insiste sur le concept de légitimité
Elle souligne la dimension cognitive qui lui est attachée, à savoir le nécessaire recours à un certain type de représentations collectives pour fonder les institutions. Ses interrogations rejoignent les nôtres quand elle analyse la position d'un pur rationalisme pragmatique, aux termes de laquelle l'utilisation de ces représentations apparaît comme un détour inutile, où l’application des bases d’avant, est considérée majoritairement sans valeur cognitive intrinsèque, mais juste à être reproduite. La thèse pragmatique se suffit-elle à elle-même ?
Pourquoi ne pas simplement recommander d'éviter la violence ?
La réponse est : ‘’Qu'une simple convention sociale serait trop transparente’’.
Il est besoin d'un principe naturalisateur qui lui donne le sceau de la légitimité.
Et ce principe naturalisateur ne peut être qu’une fonction minimale et noble d’ordre géo-politico-économico-culturel dans les états naturels du ‘’Monde’’ des Vivants… Ou alors en cas de refus d’analyse n’autorisant plus l’approche d’une possible fonctionnalité ‘’existentielle’’ minimale individuelle et sociale dans les zones et territoires communautaires géo-localisés, il ne saurait y avoir qu’instabilité socio-économico-culturelle, laissant portes ouvertes aux conflits sociétaux, corporatismes exacerbées, sectarismes déculturés, et cultes obscurs…Et tout cela assujetti à l’espoir que le refuge sécuritaire se trouverait hors zones de confort ‘’physique’’… Biophysique et physiologique… ???
LES PROVINCIALES DE PASCAL, ou les affres ‘’intemporelles’’ de la morale religieuse adossées à celles de la politique du Grand Argentier, où les vicissitudes de l’une et de l’autre ont encore assurément aujourd’hui, en la République Démocratique Laïque Française et autres ; quelques vassales consanguinités, même après la loi de séparation des corps de l’église et de la république en 1905…
Voir l’état actuel de la communauté de bien(s) et service(s)…
Dans le système politico-socio-économico-culturel… En 2016, à la lecture de vos lettres, Monsieur, j’avoue en être tout affligé. L’agnostique du XXIème que je suis, tout comme certainement l’athée et l’attaché à la gnose de cette même période sont foncièrement circonspects quant à la métamorphose réalisée depuis 361 ans, par le genre humain, moutons, agneaux, autres brebis, rats, lions, loups, renards, corbeaux, hommes de chaires, d’ors, de pompes, administrateurs du haut de chaîne, notables et autres mammifère-humanoïdes affectés par les incertitudes causées par l’incompétence des dévots, guides et mauvais sauts des grenouilles de bénitiers, prosternations, servitudes et autres postures indigentes ou désuètes circonscrits par ces génuflecteurs trop éloignés de la danse à mille temps et enchantés par la liberté de ne pas croire aux méfaits des prosélytismes asservis aux verbiages affectant les esprits désuets croyant en l’existence de paradigmes ‘’hors sol’’ terrestre, où le jugement dernier serait de penser que toutes les inconsciences absorbées par l’ordre de l’ignorance seraient absoutes par cette entité démiurgique, capable de donner pardon à l’amoralité liée aux consciences dogmatiques du paradoxe entre la vilénie et la grâce… ???
Et exécuté au nom d’un monothéisme protégé sous l’art pervers des flagorneurs et courtisanes d’hier et d’aujourd’hui… ??? Néfastes consciences et autres empruntés(es)… ?
Que le scélératisme doit quelque peu les habiter ; ou alors est-ce cette faculté de la dénégation des mauvais arbitres et néfastes transmetteurs insincères qui engendrent l’inculture généralisée dans l’esprit des honnêtes gens … ? Je crois malheureusement que cela est ainsi…
25: M. Douglas insiste sur le fait que les institutions ne sont pas de simples conventions. Elles impliquent un élément fondateur qui les stabilise en ancrant les règles sociales dans « le monde naturel ou supranaturel, l'éternité ou n'importe quel champ qui ne soit pas considéré comme déterminé socialement ».
26: La légitimité met toujours en scène un certain rapport à ce qui échappe à l'action des hommes. Telle est la nature de ce qui dans la monnaie, dans le fondement des valeurs marchandes, échappe à la raison critique, et la rend partiellement opaque par rapport aux consciences privées. Ce qui met en péril le projet individualiste, ainsi que celui de la communauté de biens et services affectée à l’attention, la curiosité, l’attachement et la liberté d’expression du sujet… Dans les dimensions sensiblement touchantes de l’espace tempo-réel touchable…
Conclusion
Selon une conception économique ancienne, la qualité monétaire est l'effet de certaines propriétés intrinsèques du bien et du beau propre à la vision sémiotique du ‘’sujet-objet’’ qui en est le support. Si cette idée n'a plus cours dans sa version métalliste, il nous semble la voir réapparaître, de manière plus sophistiquée, dans la théorie qui considère que la monnaie possède une utilité particulière, la liquidité, en vertu de laquelle elle est acceptée dans les échanges par, en et avec le flux monétaire…Tel un fleuve véhiculant les sédiments nourriciers. Ici comme là, on considère comme qualité objective, à laquelle chacun peut accéder librement, ce qui n'est en fait que le résultat provisoire d'un processus social.
Temps que les flux dans les ruisseaux, rivières et fleuves seront mobiles, tant l’eau à la mer ira, puis par les énergies circulatoires, elle reviendra…
En effet, la monnaie n'est monnaie que par la grâce de la polarisation unanime des croyances. L'approche qui se constitue autour du modèle à générations imbriquées n'a pas cette naïveté. Elle médit que la monnaie ait une quelconque utilité directe et, en conséquence, ne l'introduit pas. Contrairement à D. Patinkin, dans les fonctions d'utilité individuelles. Cette démarche sait que la monnaie est le produit d'une dynamique intersubjective de type spéculaire. La démystification du fétichisme, qui, dans les approches concurrentes, entoure la monnaie, est ici poussée à son terme. Ne pas oublier que les premiers types de monnaies étaient des symboles admis majoritairement en tant que formes de beauté ‘’subjectives’’, voire rareté… (Perles, gemmes, pierres ‘’brillantes’’ et précieuses, or, argent, diamant, etc…)
On peut considérer que, de ce point de vue, cette approche est celle qui satisfait le plus pleinement aux réquisits de l'idéologie individualiste en et par l’acquisition de monnaies’. Elle propose, en effet, une théorie où la monnaie est pensée comme autoproduction des sujets : elle émerge comme le résultat de l'effort conscient des individus pour dépasser les limites de l'économie autarcique.
La position que ces statuts n’ont fait qu'ébaucher est de considérer que ce modèle est insuffisant. Tout particulièrement, il nous a semblé que les processus qu'il expose ne permettent pas de rentre compte de la stabilité des formes monétaires. Celle-ci nécessite un élément en plus : ‘’La monnaie doit se donner pour légitime et cette légitimité ne peut se construire sur la base de la seule conscience qu'auraient les agents financiers du nécessaire recours à des objets conventionnels, mais avec tous les acteurs et actrices, résidents d’un territoire national, voire européen’’ …
Or, seule cette conception de la légitimité répond aux exigences des thèses individualistes. Techniquement, c'est au travers de l'hypothèse d'anticipations rationnelles et pluridisciplinaires qu'elle se trouve formalisée dans les modèles précédents. En effet, cette hypothèse signifie que les représentations des agents sont identiques au vrai modèle de l'économie.
A contrario, la légitimité suppose la croyance en une certaine matérialité des symboles. Aussi est-elle contemporaine d'un certain délitement ou déni d’évolution communautaire des sociétaires, acteurs, actrices, réalisateurs, imprésarios, agents et échangistes des scènes nationales et internationales, perceptibles en et par les dysfonctionnements géo-politico-socio-économiques, devenus aujourd’hui divisions communautaires et fractures sociales, où en certains lieux de conflits géo-politico-financiers, la valeur immanente est en ces Etats, indubitablement, ‘’ARMEE’’…
Au détriment de toutes ’’cultures’’…
Et tout ‘’Art des Gens’’.
La conscience démocratique et civique édictant que les règles sociales incorporent nécessairement une dimension monétaire conventionnelle ne suffit pas à fonder une sociologie communautaire, à la prévenir contre les forces destructrices du doute. La monnaie suppose une certaine opacité, une certaine ignorance qui s'exprime dans la référence à des objets extérieurs.
On peut donc dire que la monnaie ne peut être totalement dématérialisée.
On a souligné la dimension cognitive de ce processus. Dimension qui ne peut être en aucun cas désolidarisée de tous objets symboliques, matérialisés par leurs essentialités, utilités, nécessités, disponibilités ou tous autres sensibilités en tant que sujet porté à son propre pouvoir, sur soi ou autres par l’effet de cette symbolique affective, devise sécuritaire, attachement séculaire, immanence séculière, liberté attractive, causes plaisantes, passion communautaire raisonnable, raisonnée ou individuellement déraisonnable… ?
Aucune bonne et juste réponse ne saurait être approchée sans l’interrogation sur l’existence de la conscience définie par les actions du réel sur les pensées cognitives ; et inversement. Et pour réussir à définir l’espace-temps nécessaire à l’évolution sociologique civilisationnelle, il serait tout à fait inopportun de considérer le ‘’temps’’ de l’acquisition matérielle, comme l’unique valeur intrinsèque liée au seul fait ‘’monétaire’’, mais plus utile à l’intégrer comme un produit des énergies du monde naturel vivant, par la matérialisation de la sémiotique propre au meilleures actions de l’homme sur ce même monde naturel appelé ‘’TERRE’’. Et dans la mythologie grecque : ‘’GAÏA’’…
Citation :
La nature a bien des moyens d’atteindre un même objectif. Telle une vague dans le monde matériel, dans l’océan infini du substrat qui imprègne tout, ainsi dans le monde des organismes, dans le vivant, une impulsion entama sa progression vers l’avant… Par moment, peut-être à la vitesse de la lumière, par moment, de nouveau, si lentement que pendant des éons et des éons, il semblait ne pas y avoir de mouvements. Passant par des processus d’une complexité inconcevable à l’Homme, mais qui dans toutes ses formes, à chacun de ses stages, a toujours son énergie et pour toujours intégralement présente.
Un unique rayon de lumière issu d’une étoile lointaine atteignant l’œil d’un tyran des temps passés peut avoir altéré le déroulement de sa vie, peut avoir changé le destin de nations, peut avoir transformé la surface du globe, si complexes, si inconcevables sont les processus de la Nature.
Le meilleur moyen que nous avons pour appréhender l’époustouflante grandeur de la Nature, c’est en considérant qu’en accord avec la loi de conservation de l’énergie, dans l’infini tout entier, les forces sont en équilibre parfait, et par conséquent l’énergie d’une simple pensée, peut déterminer le mouvement de notre ‘’UN(Ï)VERS’’… Nicolas Tesla.
Notre thèse peut paraître, surtout aux yeux d'un économiste, comme très énigmatique. Notons, d'une part, qu'elle rejoint les critiques que formule F. Hahn dans Monnaie et inflation à l'égard du modèle à générations imbriquées et de ses prétentions à rendre pleinement compte du fait monétaire ; même si l'approche qu'il propose semble s'éloigner de nos propositions. Notons surtout la parenté qui lie notre point de vue à la conception Hayékienne des institutions. En effet, ce que comprend pleinement l'épistémologie Hayékienne est le fait que la société oppose aux savoirs individuels un infranchissable obstacle. Cette opacité irréductible s'exprime sous la forme d'« une sorte de savoir systémique, qui est beaucoup plus que la somme des savoirs personnels que chacun de nous est capable de formuler et de transmettre, et qu'il n'est donné à personne de pouvoir consciemment reproduire indépendamment des procédures qui lui ont servi de véhicule ». Cette étude ne peut être approchée que par la pluridisciplinarité dans, par et avec l’échange des idées et pensées, tout en ne déconsidérant pas l’effet ‘’holistique’’ de tout système »… Ainsi, les institutions concentrent un savoir collectif qui dépasse les capacités cognitives individuelles. C'est un savoir pratique inexprimable et ne peut se formaliser que de par la médiation des pensées, comportements, actes, et décisions des gens qu'il influence…
Et paradoxalement, comme l'écrit fort justement H. Lepage, « l'ordre du marché fait apparaître une sorte de savoir holiste ». Ce caractère holiste des institutions marchandes est le produit d'une longue histoire remontant aux origines de l'humanité, une histoire dont la récapitulation intellectuelle échappe aux capacités de tout être fini. Ainsi, dans la pensée Hayékienne, on retrouve cette même figure que nous avons mise à jour dans le phénomène monétaire : l'opacité de la société et de ses institutions, l'existence d'une dimension holiste qui s'oppose au rêve individualiste de transparence, le social comme déjà-là.
Pour conclure cette première partie, nous rappellerons la manière dont G. Simmel analyse ce même problème. Sa position est très significative dans la mesure où, durant de longs passages de son ouvrage Philosophie de l'argent, il s'est présenté, contre la conception métalliste encore vivace à son époque, comme un défenseur acharné de la thèse selon laquelle les fonctions monétaires, en particulier la capacité à mesurer les valeurs, ne dépendent nullement de la matérialité du substrat : « L'échelle que l'argent nous offre pour déterminer des valeurs n'a rien à voir avec la nature de sa substance. »
A contrario, il insiste sur le fait que seule une dématérialisation de la monnaie lui permet de remplir pleinement cette fonction.
G. Simmel ajoute : « En cela le développement de l'argent semble s'insérer dans une tendance culturelle profondément ancrée. » On peut caractériser les différents niveaux de civilisation en fonction des critères suivants :
« Dans quelle mesure et en quels points existe-t-il un rapport direct aux objets concernés et quand fait-on au contraire appel à la médiation des symboles. »
Ainsi cette dématérialisation de la monnaie lui paraît conforme au développement même de la rationalité humaine. Il insiste sur le parallèle qui existe entre le développement de l'argent et le développement de l'abstraction : « L'accroissement des capacités intellectuelles d'abstraction caractérise l'époque où l'argent, de plus en plus, devient pur symbole, indifférent à sa valeur propre.
En effet, pour cet auteur, l'argent n'est que le moyen d'exprimer des relations entre la valeur des objets et sujets. Il est « le centre où les choses les plus opposées, les plus étrangères, les plus éloignées trouvent leur point commun et entrent en contact, ou encore : « [L'argent] est la relativité des choses faite substance, il est le sens de chacune d'elles, comme moyen d'en acquérir une autre ». Or, il est clair que la matérialité de l'argent s'oppose au plein développement de cette capacité à exprimer la relativité des choses. En utilisant les termes de la discussion précédente, on peut identifier le processus simmelien de dématérialisation de la monnaie à l'incessant travail critique qu'opère l'individualisme, travail de démystification qui le conduit à mettre en pleine lumière la nature conventionnelle des symboles qui règlent la vie en commun, i.e. : Le collectivisme.
Cependant, après avoir souligné avec insistance qu'au regard de son concept, la monnaie est une forme idéelle, il note : « Malgré tout, l'argent ne peut pas se défaire d'un reste de valeur substantielle, non pour des raisons internes découlant de son essence, mais à cause de certaines imperfections de la technique économique» ; ou, plus loin, « la dissolution progressive de la valeur substantielle ne peut jamais aller jusqu'à son terme ». Autrement dit, d'un point de vue formel, rien n'interdit que la monnaie soit un pur signe, mais certaines imperfections font que ce processus ne saurait atteindre son terme naturel. Quelles sont ces imperfections ? Sont-elles de l’ordre du symbolisme ou du déterminisme ? Selon Simmel, elles sont de deux types. Seul le second nous intéressera : « Bien que ses fonctions d'échange, perçues abstraitement, puissent être assumées par un simple signe monétaire, aucune puissance humaine ne pourrait entourer un tel signe de garanties suffisantes contre les abus alors bien tentants. Manifestement la fonction d'échange et de mesure propre à tout argent se trouve liée à une certaine limitation de sa quantité, à sa ‘’rareté’’ comme on dit d'ordinaire. »
Autrement dit, en tant que pur symbole, extérieur à toute réalité empirique, l'argent est si indéterminé, si flottant, qu'il n'offre aucune résistance à l'arbitraire.
Plus que cette possibilité, c'est l'anticipation même de cette possibilité, ce qu'on a appelé la logique du soupçon, qui rend intenable l'existence d'un signe monétaire purement abstrait, totalement désincarné, émancipé de toute règle spécifique d'émission. Il apparaît ainsi que la monnaie réelle n'est jamais adéquate à son concept, ou pour le dire dans les termes de nos réflexions précédentes, l'ordre marchand n'est jamais pleinement contemporain des valeurs individualistes. Cet écart, ce supplément que met en scène la monnaie réelle, c'est ce que nous avons défini comme étant la légitimité.
Notons que penser l'écart à l'ordre idéal comme imperfection répond à une démarche qu'on retrouve fréquemment en économie. Et qui revient à ne pouvoir évoquer aucun réseau économique matérialisé par le signe monétaire, sans la fonction sociétale pour une représentation communautaire mobilisatrice, et en cas idéologique de déni de collectivisme, juste à disposer des moyens pour exister hors de ce système ‘’social-économique’’. L’homme est, néanmoins, un animal grégaire…
Entre volonté et pouvoir de construction ou déconstruction.
Ces réflexions conduisent G. Simmel à considérer l'évolution monétaire comme un processus tout à fait paradoxal : il se donne pour fin un objectif qu'il est incapable d'atteindre car le fait même de l'atteindre en détruirait la possibilité : « Le passage de la fonction monétaire au pur symbole monétaire, l'affranchissement total de celle-ci par rapport à toute valeur substantielle capable de limiter la quantité d'argent, tout cela demeure donc techniquement infaisable — et pourtant l'évolution progresse comme si elle devait y aboutir [...] D'innombrables développements obéissent au même schéma: ils se rapprochent d'un objectif déterminé, qui lui-même les détermine dans son orientation, mais qu’ils perdraient, s'ils atteignaient effectivement, les qualités acquises à le poursuivre [...]. Ce type de phénomène se rencontre le plus fréquemment et le plus nettement dans le cas où le sentiment, avec sa poussée, vise un objectif absolu, sans s'aviser que toute la satisfaction espérée dépende d'une approche relativiste de celui-ci et basculerait même en son contraire si ledit objectif était entièrement atteint. » Aussi peut-on dire que le processus monétaire suppose une certaine incompréhension de ses conditions d'existence. Une représentation fausse du processus est rendue nécessaire pour que le processus se déroule.
Telle est la nature de l'opacité que suppose l'ordre monétaire ou individualiste pour exister : ‘’La représentation des finalités se fait de manière falsifiée’’. (Voir en 2017, la désintégration de la gauche et la droite classiques ayant gouverné par alternance, depuis environ 40 ans…) L'ordre individualiste se donne pour finalité la fin de toute opacité, mais ce but, il ne saurait l'atteindre sans se détruire lui-même. L'illusion propre à l'individualisme est de ne pas comprendre que l'objectif qu'il s'assigne est hors de portée. Mais on peut considérer cette opacité comme la plus petite qui soit compatible avec l'existence d'une société, au sens où elle prend paradoxalement la forme d'une croyance en la possibilité d'une totale transparence. Par conséquent de par ce texte traitant de ‘’l’origine de la monnaie’’, il m’était possible d’entrevoir que majorités des conflits économiques, sociaux, éducatifs, politiciens, erratiques, territoriaux, géopolitiques, culturels, cultuels et tous invariablement instables étaient essentiellement dus aux désirs intrinsèques, individualistes, corporatistes et sectaires des pouvoirs dominateurs, où la ‘’monnaie’’, en est l’outil ultime pour les mauvais gestionnaires de vies communautaires aux détriments des belles natures, qui seront irrémédiablement détruites avant les croyances en l’impossible finalité monétaire absolue, détournée de son cours essentiel et nécessaire à la fluidité des justes échanges intercommunautaires et interindividuels, dans la fantasmagorie sémiotique monétaire… Corporatiste, Collectiviste, Ignorance ou Déficiences intellectuelles, quant à une sociologie efficiente… ???
‘’C’est se jouer des paroles de dire que vous êtes d’accord à cause des termes communs dont vous usez, quand vous êtes contraire dans le sens’’.
Pascal, les Provinciales, première lettre.
‘’Dieu a fait l’homme à son image, mais l’homme le lui a bien rendu ‘’…
Voltaire
Mais, ces bandes d’ignares avaient oublié le sens commun, et mystifiée leur propre image, par occultation envers le plus gros problème mondial du moment, à savoir la pollution, le réchauffement climatique et le déni d’attention attisé par cette inconscience en faiblesse de volonté pour ne réussir à mettre en place des solutions adaptées et adaptables, au bien-être minimal des générations arrivantes, et tout cela au nom de la croyance en la toute-puissance de l’argent, au détriment de l’art des gens. Je les déteste, qu’ils soient hommes ou femmes. Leurs dogmatismes liés à l’anthropocentrisme élitiste, le narcissisme, l’avidité et la cupidité me donnent des relents de mépris envers leurs néfastes raisons déshumanisées teintées aux furieuses voix de l’ignorance inavouée, de la pensée grossière ou l’arrogante incertitude déstabilisatrice.
Date de dernière mise à jour : 09/09/2018
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